Heureux?
Oui. Surtout d'en avoir terminé. La victoire en plus, c'est formidable. Je pense qu'elle est méritée compte tenu des conditions épouvantables que nous avons dû subir. Les responsables de Marlboro McLaren éprouvaient certaines craintes avant d'aborder ce Grand Prix. Or, j'ai réalisé là certainement une de mes meilleures courses de ma carrière.

19" d'avance, puis 15" et enfin Senna à une portée de... virage à l'arrivée. Les raisons?
J'ai levé le pied. Le danger était partout. Quand j'ai appris que c'était le Brésilien qui était derrière moi, j'ai carrément ralenti, car il n'était pas dangereux au classement du championnat du monde, n'ayant marqué qu'un seul point.

Le fait d'avoir arrêté la couse, une décision logique?
Très sage. Je tire mon chapeau aux organisateurs. Il leur était très difficile de la prendre. Celle d'avoir donné le départ, incombe aux pilotes, avec l'assentiment bien sûr des responsables, notamment de Jacky Ickx. En tout cas c'est tout en l'honneur des dirigeants de Monaco d'avoir raccourci l'épreuve, même si en fin de compte les spectateurs ont été privés de la moitié du spectacle. Je suis persuadé que si nous avions effectué deux tours de plus des drames ce seraient produits. D'ailleurs j'avais décidé qui si Senna avait voulu me doubler je l'aurais laissé faire.

Quelle a été votre réaction lorsque Mansell vous a dépassé?
Ce n'était pas grave. Je voulais avant tout terminer. C'était long vous savez et j'étais de plus en plus anxieux. Il m'a d'ailleurs doublé dans des circonstances bizarres, car j'ai malheureusement heurté un commissaire qui traversait le circuit à ce moment-là. Sinon, j'ai l'impression qu'il n'aurait pas pu y parvenir. Quoi qu'il en soit le résultat est là. Les fautes vous attendent à chaque tout exempts. Ma satisfaction c'est d'en avoir commis le minimum. En toute franchise, gagner ici à Monaco je ne m'en croyais pas capable. Sincèrement.

Le comportement d'Ayrton Senna?
C'est une surprise. Le Brésilien est très doué. Il va certainement faire parler de lui de nouveau, notamment lorsqu'il aura une meilleure voiture à sa disposition. Dans un certain sens les conditions atmosphériques l'ont avantagé, mais c'est finalement ce qui fait le charme de la formule 1, aujourd'hui. Au fond de lui-même je suis persuadé qu'à l'heure qu'il est Senna doit être déçu, car la victoire était à sa portée lorsque la course a été arrêtée, même s'il y avait encore beaucoup de chemin à faire.

Sourire sous la pluie, vous êtes certainement le seul à pouvoir vous le permettre ici!
Oui. Pardon au public. Ses sifflets étaient justifiés. Mais qu'il sache que notre vie était en jeu. Nous prenons déjà tellement de risques qu'en ajouter serait de la folie... Je suis heureux, c'est vrai. Ça fait du bien. Surtout quand c'est fini.

Roger DRIÈS