TF1, 11.06.2003

Alain Prost: "Schumacher n'est pas usé"



Pilote Ferrari en 1990 et 1991, Alain Prost explique les raisons qui selon lui ont poussé Michael Schumacher à prolonger son contrat avec la Scuderia jusqu'en 2006. "Très peu de pression médiatique", "peu de compétition" de la part de ses rivaux et une bonne ambiance sont quelques unes des raisons invoquées par le quadruple champion du monde. Entretien.

Michael Schumacher vient de resigner jusqu'en 2006. Vous avez fait 13 ans au plus haut niveau en F1 mais cette longévité doit quand même vous épater...
Oui ça m'épate, c'est évident. Mais c'est tout à fait logique. Il a une équipe qui travaille pour lui, il a une compétition qui est là mais qui n'a quand même pas été extraordinaire pendant des années. Il a très peu de pression sur le plan médiatique. Il a en fin de compte une usure qui n'existe pas aujourd'hui, qui n'est pas comme celle qu'auraient pu avoir des gens comme Ayrton Senna, moi-même, Nelson Piquet, Nigel Mansell, qui à une certaine époque se bagarraient tout le temps ensemble. Ça ne me paraît pas du tout illogique qu'il ait l'intention de profiter au maximum de ce cocon qui a été fait pour lui.

Jean Todt est arrivée chez Ferrari à la mi-93, Schumi en 1996. C'est aussi incroyable cette faculté de durer dans une équipe où, à votre époque, il était difficile pour quiconque de rester en place...
Les inconvénients de Ferrari avant l'arrivée de Jean Todt, tous les côtés négatifs, sont devenus du positif. Il n'y aura pas un pilote dans l'histoire de la Formule 1 moderne -et peut-être même ancienne- qui sera resté dix ans dans la même équipe. Ça n'existe pas, qui plus est chez Ferrari! C'est quand même un exploit. Mais encore une fois, tout à été fait pour prendre le contraire de ce qui été fait dans le passé et qui était une hérésie: dès qu'il y avait un problème, on virait un pilote, un ingénieur, un team manager... C'est bien la preuve qu'en Formule 1, c'est la longévité, le fait de laisser les gens travailler dans la durée, qu'on arrive à des résultats formidables. Cela a été le grand travail et la grande qualité de Jean Todt. C'est tout à son honneur s'il réussit aujourd'hui. Sans oublier les gens qui travaillent autour: Ross Brawn, Rory Byrne et bien d'autres...

Vous vous êtes retiré sur un 4e titre, à 38 ans. Comment fait-on pour garder la fraîcheur à 34, 35, 36 ans... et rester au plus haut niveau?
Je vous ai parlé de l'usure. A partir du moment où l'on n'est pas usé, je pense que le plaisir, la passion prend toujours le dessus, si en plus on a une ambiance formidable dans l'équipe, si c'est toujours un plaisir d'aller faire des essais, d'aller courir. C'est d'ailleurs souvent lors des essais privés que l'on se rend compte au début que ça devient un peu plus pénible, que l'on a moins envie de se déplacer, de voyager. Pour se déplacer, Michael (Schumacher) a son avion privé, une ambiance formidable dans l'équipe... Et puis, aujourd'hui, la tendance est à moins d'essais privés. Alors, quand on va aux courses, on a une motivation naturelle qui revient, la passion et la motivation de la compétition pure et simple. La seule difficulté à gérer pour lui est d'avoir décidé de continuer trois ans de plus, puisque c'est ça en fin de compte. On peut décider de continuer d'une année sur l'autre. Mais là, c'est trois ans. S'il remporte un 6e titre, ce sera peut-être plus dur à gérer. Le connaissant pas mal, je pense que c'est quelqu'un qui éprouve beaucoup de plaisir à conduire, conduire tout simplement, des karts ou autre chose.... Il a du plaisir. Tant qu'il aura du plaisir, je pense qu'il n'aura pas de problèmes de motivation pour les trois prochaines années.

On ne vous imagine pas insensible à l'implication de Toyota en F1, d'autant qu'Olivier Panis en est l'un des pilotes. Allez-vous le revoir prochainement sur un grand prix?
J'ai souvent Olivier au téléphone. J'ai beaucoup de gens que j'aime bien au téléphone pour garder les contacts, notamment tous mes anciens pilotes, sauf un (Jean Alesi, ndlr). Je suis ça de très près, je suis toujours très passionné. C'est possible que j'aille voir quelques grands prix en fin de saison mais pour l'instant, il n'y a rien de précis. Je préfère être pragmatique. A partir du moment où les constructeurs sont très impliqués en Formule 1, le rôle que je peux avoir ne peut être que différent. Il ne faut pas donner trop de supputations aux gens. Pour l'instant, je suis impliqué dans un projet franco-français (au Trophée Andros 2003-2004, sur une Toyota Corolla officielle préparée par Oreca). A chaque jour suffit sa peine. On va essayer de le faire bien.

Propos recueillis par Stéphane VRIGNAUD



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