PASSIONNEMENT, 13.04.1999

Quatre supporters rencontrent Alain Prost -
"Une envie de gagner plus forte que jamais..."



Mardi 13 avril, une 1ère rencontre Club a réuni autour d'Alain Prost 4 membres de Prost Grand Prix Le Club, à l'usine de Guyancourt. Au retour du Grand Prix du Brésil, chacun a pu poser ses questions dans le grand bureau du "patron"... Vous en lirez l'integralité ci-dessous.

Plus déterminé que jamais, surtout après la bonne performance d'Olivier, Alain Prost a ré affirmé sa volonté de renforcer les essais, d'accélérer les évolutions de l'AP02, de parfaire tous les petits détails qui font d'une écurie un Top Team. "Une envie de gagner plus forte que jamais, un écart qui se réduit avec les meilleurs du plateau, des temps prometteurs, un premier point glané au Grand Prix du Brésil font que toute l'équipe se sent mobilisée à 100%... même l'operation Sarrazin/Minardi va dans le sens des choses positives."

C'est un Alain Prost gonflé à bloc (malgré le décalage horaire!) que les supporters ont quitté à l'issue de l'entretien, avant de visiter l'usine de façon détaillé.

Au Grand Prix du Brésil, la plupart des écuries ont choisi une stratégie à un arrêt... Pourquoi Olivier Panis en a-t-il fait deux?
Les stratégies définies avant la course ne sont jamais sûres à 100 %. On a beau faire des simulations trés précises, de nombreux événements peuvent changer le cours des choses. Olivier n'était pas le seul à partir pour deux stops... Alesi et Barrichello étaient dans la même configuration. Certes Jarno était prévu pour un stop, mais nos deux pilotes étant côte à côte sur la grile, nous avons préféré limiter les risques. Leur style de conduite n'est pas le même et Olivier a tendence à user plus les pneus. Il avait choisi des pneus plus souples... il a manqué de réussite lors de ses arrêts et a dû en plus rentrer pour effectuer sa pénalité... il a calé, ce qui lui a coûté 36 secondes supplémentaires... L'essentiel est quand même qu'il ait marqué un point. Et je reste persuadé que ça reste la meilleure stratégie.

On n'a jamais autant parlé de simulation, d'électronique... Quel est le rôle de l'informatique aujourd'hui?
On l'utilise de plus en plus... on arrive aujourd'hui à tout simuler. Heureusement car le nombre de jours consacré aux essais sur piste est de plus en plus limité. A l'usine, nous avons un banc de simulation, sur lequel se trouve une voiture-laboratoire, et nous pouvons simuler n'importe quel circuit, n'importe quelle condition de course... à l'exception de tout ce qui peut se passer pendant un Grand Prix! Il y aura heureusement toujours une différence entre l'homme et la machine et c'est l'homme qui aura toujours le dessus!

Comment sont effectués les contrôles qualité sur la voiture?
Tous les éléments qui constituent l'AP02 sont contrôlés avant le montage, à l'aide d'une métrologie très sophistiquée (machines analysant toutes les pièces, contrôles aux rayons X pour certaines d'entre elles). D'autre part plus on tourne en essais, plus on a de chances d'identifier des problèmes et de les résoudre (entre le Grand Prix d'Australie et le Grand Prix du Brésil, nous avons fait 3'000 km d'essais). Néanmoins, on n'atteindra jamais une fiabilité à 100 %, car il ne faut pas oublier que l'on recherche avant tout la performance. La difficulté est de trouver le compromis idéal.

Quels sont les développements prévus sur l'AP02?
Ils sont de tous ordres... On améliore l'AP02 sans cesse: nouvelle suspension, aérodynamisme en évolution constante, progrès en terme de motorisation. Ainsi le moteur de qualif. actuel deviendra le moteur de course à partir d'Imola. Tout évolue en permanence... On travaille déjà sur la voiture de la saison prochaine... Nous aurons une nouvelle boîte de vitesses, un nouveau moteur qui permettra une conception très différente... Car vous savez qu'une F1 est construite autour du moteur, même si celui-ci n'est plus l'élément essentile d'une monoplace moderne. Dès les mois d'août/septembre nous aurons une voiture-laboratoire qui préfigurera l'AP03... La nouvelle boîte fonctionnera en octobre afin que tout soit prêt pour la traditionnelle présentations de janvier. Une des difficultés que nous rencontrons par rapport aux deux ou trois teams les plus performants, est de continuer à développer l'AP02, tout en préparant l'AP03... notamment en terme de soufflerie, ou tout simplement en terme de moyens humains! Comment faire?

Est-ce que la nouvelle réglementation concernat les pneus change vraiment beaucoup de choses?
Beaucoup plus qu'on ne le pense! L'architecture et la structure des pneus à 4 rainures sont vraiment différentes. Et nous n'avons par encore bien compris comment fonctionnent ces nouveaux pneus, surtout en qualif. Il faut savoir qu'au warm-up du Grand Prix du Brésil, nous avons tourné plus vite qu'en qualif., avec les réservoirs pliens. A quelques degrés de température près on fait ou on ne fait pas travailler parfaitement la gomme. Nous n'avons pas encore trouvé la bonne solution. Bien que Bridgestone soit l'un de nos partenaires, il ne nous privilégie pas spécialement... Car ils ont décidé d'avoir une attitude neutre. La différence se fait là aussi en dehors des Grands Prix: les top-teams font deux à trois fois plus de recherches que nous! On évoque parfois le retour de Michelin, ce n'est pas à l'ordre du jour. Pour être en F1, un fabricant doit être en mesure de fournir au minimum 40 % du plateau, même si au final il n'équipe qu'une écurie!

Que pensez-vous de l'apparition de Sarrazin en Grand Prix?
J'ai beaucoup poussé pour qu'il participe à ce Grand Prix du Brésil... mais ça s'est décidé une semaine avant la course. Il a fallu qu'il obtienne sa super-licence, qu'il découvre la voiture, qu'il fasse faire un siège à ses mesures etc. C'est un très bon pilote, et nous faisons des essais très efficaces avec lui. Ce Grand Prix a été très positif pour sa formation. Or vous savez qu'un des problèmes de la France est de manquer de réservoir de pilotes, d'ingénieurs, de techniciens, contrairement à la Grande-Bretagne qui regorge de formules, d'écuries, de professionnels...

Est-ce qu'aujourd'hui vous avez vraiment franchi le pas entre pilote et chef d'entreprise?
Oui, totalement je crois. Même si je continue à apprendre tous les jours, comme lorsque l'on est pilote. Plus ça va, plus c'est facile, malgré la pression qui est très forte... Une grosse différence quand même: quand on est pilote, on peut changer d'équipe en fin de saison, surtout si on est talentueux... Là, pas question, nous devons réussir tous ensemble. En tout cas, je n'ai plus envie de monter dans une F1 aujourd'hui!

Quelles sont vos attentes concernant Prost Grand Prix Le Club?
L'idée d'un Club a toujours trotté dans ma tête, surtout depuis ce jour de juin 1983, lorsque j'ai gagné mon 2ème Grand Prix de France. Pas un drapeau tricolore, pas une banderole... rien, l'indifférence générale, alors qu'il y avait 27'000 spectateurs! Et pourtant des gens motivés, il y en a: c'est incroyable le nombre de lettres que nous avons pu recevoir quand j'ai créé l'écurie... avec même des chèques pour nous aider financièrement! J'aimerais qu'un jour Prost Grand Prix soit supporté comme l'est Ferrari. Le Club est une manière d'apporter du rêve et du concret aux passionnés, de les faire participer à l'histoire. C'est une façon de se retrouver autour des circuits, d'échanger entre membres du Club comme avec nos partenaires, de montrer à nos sponsors que nous fédérons des gens qui sont motivés. Nous avons besoins d'être "supportés" par le plus grand nombre possible et j'y attache personnellement beaucoup d'importance. D'ailleurs j'ai prévu de rencontrer des membres de Prost Grand Prix Le Club plusieurs fois dans l'année et j'aimerais qu'un dialogue s'instaure aussi avec les autres collaborateurs de l'écurie.



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