ORANGE WORLD, 13.07.2006

Alain Prost:
"Un cap psychologique pour Alonso"



Comme avant chaque Grand Prix, Alain Prost, quadruple champion du monde, nous livre son analyse à la veille du rendez-vous de Magny-Cours. Selon lui, Alonso n’aura pas le droit à l’erreur après son faux-pas à Indianapolis.

Après la victoire de Bridgestone à Indianapolis, on peut dire que la guerre des pneus continue avant de se rendre à Magny-Cours…
On arrive à un point charnière de la saison et ce sera un point très intéressant. Cela fait quelques courses qu’on se dit qu’il faut encore attendre un peu pour voir ce qui va se passer entre Michelin et Bridgestone et pour savoir si Ferrari peut revenir au niveau de Renault. Là, les voitures rouges ont dominé tout le Grand Prix à Indianapolis. Et pour deux raisons. D’abord parce que Michelin a peut-être pris des réserves après ce qui s’était passé l’an dernier aux Etats-Unis. Les pneus utilisés à Indianapolis auraient alors été un peu moins adaptés au circuit. Ou alors Bridgestone a fait un pas en avant mais on ne le sait pas vraiment. Cet aspect pneumatique pourrait être la clé de la saison même si Ferrari est encore assez loin au championnat. Mais il faut se méfier. D’autant que Ferrari affiche une grande confiance depuis quelques courses, malgré les deuxièmes places de Schumacher. Savaient-ils que Bridgestone arrivait avec un nouveau pneu ? On va le savoir relativement vite et notamment à Magny-Cours.

Cette confiance de Ferrari peut-elle porter un coup à Renault ?
Ça peut marcher oui. J’ai toujours dit dans nos discussions qu’il peut y avoir un déclic dans une saison. D’un côté comme de l’autre. Là, on a vu qu’Alonso a réalisé une petite contre-performance à Indianapolis. Mais je crois surtout que la voiture était mieux adaptée à Fisichella sur ce circuit. Alonso vient en tout cas de se rendre compte qu’en cas de faux-pas de sa part et de victoire de Schumacher, le championnat serait complètement relancé. Il va falloir passer ce cap psychologique et les trois prochaines courses seront difficiles pour lui. Il a l’avantage ce week-end de se retrouver en France avec une équipe Renault extrêmement motivée et une évolution moteur. Cela sera un peu plus facile pour lui mais il doit éviter le piège de la deuxième partie de saison où on connaît habituellement une petite faiblesse qui remet tout en cause. Il sait également qu’il partira de Renault à la fin de l’année et il veut que ce départ soit réussi. Je le sens quand même assez confiant même si on ne comprend pas très bien pourquoi il a été si peu performant à Indianapolis. Ce point là perturbe tout le monde.

Schumacher a lui été brillant aux Etats-Unis et on a du mal à imaginer qu’il arrête la F1 après cette saison…
Ce serait dommage qu’il arrête maintenant alors qu’on va avoir Alonso chez McLaren et peut-être Raikkonen chez Renault… On ne sait pas encore ce qui va se passer et d’après les indiscrétions, tout est encore possible. Le fait qu’il soit compétitif ne va pas influencer sa décision. Quand il est dans une voiture, il essaiera toujours de gagner des courses. C’est sa qualité. Maintenant, on entend qu’il pourrait même prolonger pour deux ans. Ce que je trouve courageux. Et s’il avait vraiment décidé de se retirer, il aurait déjà dû le dire pour s’enlever un peu de pression.

Au jeu des chaises musicales, Montoya s’en va et il est remplacé par De La Rosa…
Une place se libère chez McLaren même si apparemment, ils n’avaient pas l’intention de conserver Montoya. Plusieurs facteurs expliquent ce départ. D’abord l’accrochage quand Montoya percute Raikkonen à Indianapolis. Ensuite le comportement de Montoya au sein de son équipe. Beaucoup trouve que le Colombien n’est plus suffisamment concerné par les soucis de l’équipe. Et enfin, il vient d’annoncer son intention de rejoindre le Nascar à la fin de la saison. C’est une décision extrêmement surprenante de la part d’un pilote de F1. Cela prouve que sa tête est ailleurs et pour McLaren, c’était difficile de garder un pilote comme lui. De La Rosa, qui était le pilote essayeur, le remplace logiquement. Mais cela ne veut pas dire qu’il sera au volant d’une McLaren l’an prochain.

Comment voyez-vous ce Grand Prix de France ?
C’est un circuit que les pilotes n’aiment pas trop. Les techniciens non plus. Le tracé est particulier et c’est un peu un casse-tête. Maintenant, Michelin a toujours très bien marché là-bas. Mais la vraie question est de savoir quelles seront les nouveautés chez Ferrari et Bridgestone afin de rééditer la performance d’Indianapolis. Renault sera tellement motivé sur ses terres que je les vois bien faire un grand coup. Maintenant, il faut que tous les éléments soient réunis et c’est souvent quand on a mal réussi une course qu’on fait ensuite des erreurs. Là, tout se passait bien et les réglages de voiture changeaient peu. McLaren reste un peu en retrait et on verra sans doute une Renault contre une Ferrari.

Personne d’autre ?
Si, on peut imaginer un outsider d’autant que ce tracé de Magny-Cours, avec notamment l’entrée dans les stands, permet une stratégie très agressive. Je pense bien sûr à Toyota qui peut essayer de se placer sur les deux premières lignes aux qualifications en privilégiant un arrêt supplémentaire en course. Il ne faut pas oublier que Schumacher a gagné ici en s’arrêtant à quatre reprises. C’est un vrai sujet, d’autant que c’est important de partir devant car il est difficile de doubler. Malheureusement…



Back to interview-page!

Alain Prost-Infopage

prostfan.com

prostfan.com © by Oskar Schuler, Switzerland