SPORT365.FR, 01.10.2009

Alain Prost: « Un chasseur n'a plus rien à perdre »


Interview: Eric CAMACHO

S'il reconnaît que Button gère bien, pour le moment, son avance, Alain Prost est persuadé que le championnat n'est pas joué avant le week-end de Suzuka. Selon lui, des pilotes comme Barrichello ou Vettel deviennent encore plus dangereux à trois Grands Prix de la fin.

Alain, un pilote est sorti grand vainqueur dimanche dernier du Grand Prix de Singapour dans l'optique de la course au titre, c'est Jenson Button, qui s'est classé pourtant à une modeste cinquième place…
C'est lui qui a fait la bonne opération dans l'optique du championnat. Il a réussi à doubler Barrichello alors qu'il n'était pas bien placé sur la grille de départ. C'est typique de Jenson Button dans cette seconde partie de saison. Il a gagné six courses sur les sept premières et maintenant on le sent attaquer de temps en temps et assurer à d'autres moments. Cela manque peut-être de panache mais il a beaucoup de problèmes avec sa voiture et l'utilisation des pneus. Il engrange les points mais reste sous la menace de son coéquipier Rubens Barrichello. Dans ces cas-là, ce qui fait la différence, c'est le "zéro" toujours possible. Button ne l'a connu qu'une seule fois à Spa avec l'accident de Grosjean. C'est uniquement cette chose-là qui pourrait lui faire perdre le titre.

En ne paniquant pas, alors que les faits de course ne lui sont pas favorables, ne prouve-t-il pas qu'il possède l'étoffe d'un champion du monde?
De toute façon, il fera un beau champion du monde parce qu'il a fait un début de saison tonitruant. Il n'a pas fait vraiment de fautes et a toujours été très régulier. Il a fait des dépassements mal perçus car souvent effectués au départ ou dans le premier tour mais cruciaux. Il y a 30% de la course où il est vraiment exceptionnel et toujours très vite. Il connaît quelques difficultés sur la seconde partie de championnat mais on ne peut pas dire qu'il fasse un mauvais champion par rapport à d'autres pilotes ou écuries qui ont été moins réguliers dans cette saison.

Comment doit-il gérer cette fin de saison selon vous?
Pour l'instant, il la gère bien. Sur les trois derniers Grand Prix, cela va être encore plus difficile. Ce qu'il faut, je le répète, c'est éviter le "zéro" lors de la prochaine course, c'est-à-dire l'accrochage ou l'incident. Si cela était le cas, ça relancerait, en termes de points mais aussi psychologiquement, ses poursuivants directs. Rappelons-nous qu'il y a deux ans, Lewis Hamilton avait 17 points d'avance à deux courses de la fin et qu'il a tout de même perdu le championnat. Il peut toujours se passer des choses bizarres dans les dernières courses. Maintenant, s'il est capable de réaliser de très bonnes performances, comme à Monza, et d'être très bien placé sur la grille, il faut qu'il essaie au maximum de gagner la course.

Peu à peu, les prétendants au championnat s'éliminent d'eux-mêmes. Ce week-end, c'est Mark Webber qui a dit adieu au titre…
Personne ne contrôle ou ne domine les courses comme cela était le cas il y a quelques années. Cela s'est finalement toujours limité à deux pilotes et deux écuries qui se battaient pour le titre jusqu'à la fin. Il y a eu une première partie de saison tonitruante de Brawn GP et une seconde partie où plusieurs équipes - Red Bull, McLaren, Ferrari - sont redevenues compétitives. Les écuries se sont retrouvées tributaires des autres. Le parcours des Red Bull a été une surprise. Au milieu de saison, elles étaient vraiment exceptionnelles sur des circuits rapides puis elles sont rentrées dans le rang. On ne les attendait pas à Singapour, un circuit réputé lent, et elles étaient finalement plutôt bien. Pour les ingénieurs des différentes écuries, c'est un casse-tête. C'est une nouvelle approche de la gestion d'une saison mais cela reste à l'avantage de ceux qui ont déjà des points d'avance en l'occurrence Button et Brawn GP. Il aurait suffit d'une victoire ou deux en moins pour tout relancer. Mais ce sont eux qui ont fait la saison la plus régulière.

Après un début de semaine terrible pour Renault, avec les sanctions que l'on connaît, la fin de week-end a été beaucoup plus réussie avec ce podium de Fernando Alonso…
Tout ce qui s'est passé auparavant a vraiment été dramatique pour Renault et pour la Formule 1. L'image de la marque et de la F1 en ont souffert. C'est incroyable de revoir cette équipe au premier plan car c'est le premier podium de l'année et il se fait symboliquement à Singapour. Là où "l'Affaire Renault" avait commencé. C'est une bonne dose d'optimisme pour le futur bien que tout ne soit pas encore réglé.

Parlons justement des transferts et de ce jeu des chaises musicales qui s'annonce. Le premier gros coup de ce Mercato est l'officialisation de l'arrivée chez Ferrari de Fernando Alonso…
Fernando Alonso a vraiment été une pièce maîtresse de Renault. Il a toujours été extrêmement motivé et loyal, toujours dans le coup et positif par rapport à son équipe. Il l'a montré pendant ses deux périodes dans l'écurie avec un intermède d'une saison chez McLaren. Renault va vraiment le regretter. Fernando a besoin d'un autre challenge. Il est aidé en plus par un sponsor tel que Santander, ce qui est un atout de poids pour relever le challenge Ferrari. Pour Renault, c'est difficile de voir son pilote fétiche partir. C'est une reconstruction totale qu'il faut envisager maintenant et ce n'est pas évident.

Passons au GP du Japon. Quelles sont les spécificités de ce circuit?
La première spécificité, c'est son tracé vraiment exceptionnel. C'est un vieux tracé qui n'a pas vraiment évolué. Il a un peu changé en termes de sécurité mais pas tant que cela car il n'y a pas beaucoup de place. Il est d'ailleurs peut-être un peu dangereux par certains endroits. C'est un circuit relativement étroit avec de grandes courbes. Il est très éprouvant pour les pilotes. Il faut avoir une très bonne condition physique car il y a beaucoup de force centrifuge. C'est un circuit également très difficile pour les réglages techniques. Ce sont toujours les meilleures voitures et les meilleurs pilotes qui s'imposent là-bas. L'autre aspect, ce sont les conditions météo. La pluie est souvent présente et elle pourrait être l'alliée ou l'ennemie de Jenson Button. N'oublions pas que Rubens Barrichello est exceptionnel sous la pluie. Si on avait deux Grands Prix sur trois avec de la pluie d'ici la fin de saison, ça pourrait vite faire une différence.

Peut-on s'attendre à des surprises sachant que certains pilotes, comme Vettel par exemple, n'ont plus rien à perdre?
Mentalement, cela change la donne. Sebastian Vettel se retrouve dans la peau du chasseur, comme Rubens Barrichello d'ailleurs. Plus on s'approche de la fin et plus les problèmes psychologiques augmentent. Celui qui se retrouve dans la peau du chasseur se dit souvent qu'il n'a plus rien à perdre. Les stratégies sont alors plus offensives. Celui qui se retrouve dans la position du chassé est encore plus prudent. A Suzuka, une Red Bull pilotée par Vettel devrait vraiment être difficile à battre.

Quelles sont vos prévisions de podium?
Je mettrais donc une Red Bull et Vettel devant. J'ai toujours une interrogation, selon les circuits, sur la McLaren. Mais elle ne devrait pas être loin. Je placerais également une Brawn GP dans les trois premiers. Cette voiture n'est pas la plus performante sur ce genre de tracés mais, dans les changements de direction, elle est assez facile à conduire. Selon les conditions météo, les Brawn pourraient se retrouver aux avant-postes.



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