SPORT365.FR, 04.10.2007

Alain Prost: « Hamilton doit se méfier »

Interview: Eric CAMACHO

A l’approche du Grand Prix de Chine, Alain Prost nous livre son analyse. Le quadruple champion du monde estime qu’Hamilton, s’il possède maintenant un avantage indéniable, est encore sous la menace d’Alonso et Räikkönen.

Alain, nous évoquions ce Grand Prix du Japon comme un possible tournant dans la lutte pour le titre. Cela a été le cas avec la victoire d’Hamilton et l’abandon d’Alonso…
Cela a été le cas surtout en raison des conditions climatiques. Nous avions dit qu’à cet endroit du Japon il pleuvait très souvent. Sous la pluie, les courses ne se déroulent évidemment pas de la même manière. Il y a plus de risques d’accidents, d’accrochages ou de sorties de piste. C’est ce qui a fait basculer le championnat. Faire la faute quand on est sous pression et mal placé comme Alonso, ce sont des choses qui arrivent. On ne peut pas le blâmer car les conditions étaient exécrables pendant ce week-end.

Ce Grand Prix était aussi l’occasion de vérifier quel pilote résisterait le plus à la pression. La surprise n’est-elle finalement pas venue de Fernando Alonso, qui a craqué et est sorti de la piste?
Sur ce genre de courses, le pilote qui a le plus d’expérience, qui a déjà gagné un championnat du monde, doit avoir un petit avantage. Mais ce que l’on a tendance à oublier, c’est que, depuis le début de la saison et à l’exception d’un ou deux Grand Prix, Hamilton a souvent été un peu devant son coéquipier. On n’a jamais réellement vu Hamilton craquer. Au Japon, c’est encore Alonso qui commet l’erreur alors qu’il était un peu dominé à la régulière sur la piste. On va de surprise en surprise parce qu’on voit Hamilton de plus en plus fort. On aurait pu penser, à l’époque du Grand Prix de Hongrie, que ça pouvait basculer dans le sens d’Alonso. C’est le contraire. Si Hamilton est champion du monde, il méritera son titre.

Le titre est-il déjà joué? Croyez-vous que Lewis Hamilton puisse à son tour commettre une faute?
Il est dans une situation loin d’être simple. Il possède certes un avantage considérable car, dans la F1 moderne, les voitures sont plus fiables et l’abandon sur panne mécanique très rare. Mais il doit se méfier car il a encore deux adversaires susceptibles d’être champion du monde et ils vont tout tenter pour le faire chuter. Alonso et Räikkönen n’ont rien à perdre. Imaginons-le en pole position avec, à ses côtés, Alonso, et derrière lui Raïkkonen. Le risque d’accident ou d’accrochage est automatiquement décuplé. On peut très bien voir le pilote Ferrari accrocher Hamilton. Cela profiterait à Alonso qui se retrouverait, en cas de victoire, à deux points de son adversaire.

Quelle doit être alors la tactique d’Hamilton?
Est-ce qu’il est préférable d’être troisième ou quatrième? Il peut assurer des points mais en perdre quatre ou cinq si Alonso s’impose. Dans ce type de situation, il faut s’imaginer dans la peau du challenger, faire le maximum et le meilleur résultat possible. C’est une situation qui est psychologiquement plus confortable pour ses deux poursuivants même si, mathématiquement, Hamilton a le plus gros avantage.

Lewis Hamilton, dont le talent est incontestable, est de plus de plus stigmatisé comme un garçon au comportement arrogant. Comment l’analysez-vous?
Le connaissant un peu, cela peut surprendre. On le disait en début de saison: quand va-t-il prendre la grosse tête? C’est inévitable. Mais vous rendez-vous compte ce qu’il est en train de réaliser? La chance n’y est pour rien ni le fait qu’il soit couvé par McLaren depuis des années. Après, l’entourage peut-être trop présent et une presse britannique à 150 % derrière lui – et qui réalise une campagne de calomnie régulière contre Alonso – lui donne sans doute ce côté arrogant. Cela ne me gêne pas car je pense que c’est ponctuel. C’est aussi une pression incroyable durant l’année. C’est très difficile de répondre toute l’année aux journalistes et de ne pas leur donner un peu de grain à moudre.

Comme au Grand Prix d’Europe, la pluie s’est invitée au Japon et a considérablement contrarié la course. Aurait-il fallu l’arrêter?
Ce que l’on voit en télévision, ce n’est pas toujours ce que l’on ressent dans les voitures. Apparemment, les pilotes ne se sont pas plaints d’aquaplaning. Ils ont trouvé une adhérence relativement bonne. Le revêtement devait également être très bon. Dans ces cas-là, le gros problème, c’est la visibilité. Il n’y a pas eu d’accident dû à cela. La sécurité autour de ces courses est devenue vraiment très bonne. On ne peut absolument pas annuler, surtout deux courses avant la fin du championnat, une course, surtout au Japon.

Lors de votre carrière, vous n’avez jamais apprécié la pluie. Quelles sont les qualités nécessaires pour bien conduire avec un temps pareil?
Il y a deux types de course. Il y a la piste mouillée, humide et la piste complètement détrempée avec de gros risques d’aquaplaning et de visibilité. Ce sont deux choses que les pilotes appréhendent de manière différente. Je n’ai jamais été très fan de courses sous la pluie, notamment par manque de visibilité et d’aquaplaning. Que les gens comprennent bien pourquoi. J’ai toujours été très vite quand c’était mouillé ou humide. En 1982, j’ai eu un accident avec Didier Pieroni à Hockenheim qui m’a beaucoup marqué. Depuis, j’ai décidé de ne plus prendre le moindre risque par rapport à ça car c’est un risque qu’on ne calcule pas. On est obligé d’aller à fond. On ne voit rien devant soi. D’une certaine manière, on doit faire confiance. A qui? A quoi? On ne sait pas. Il y a une grosse part de chance. Par contre, quand c’est mouillé, l’aspect pilotage reprend ses droits bien que, là aussi, une voiture moyenne sur le sec peut redevenir une voiture relativement efficace sur le mouillé.

Vous aviez émis l’idée, la semaine dernière, d’une possible prise de risques de Ferrari pour le titre pilotes. L’écurie italienne a finalement pris ce risque en chaussant des pneus « intermédiaires ». Un pari perdu…
D’un côté, il y a le pari qui n’est pas idiot dans la mesure où ils sont obligés de prendre des risques pour gagner le championnat du monde. Après, il y a cette histoire de mail avec cette indication de la FIA qui oblige tout le monde à partir en pneus « maxi pluie » et que Ferrari n’aurait pas reçu ou trop tard. Sincèrement, je ne comprends pas ces problèmes de communication dans la meilleure écurie du monde. Je trouve simplement dommage qu’on oblige les pilotes et les écuries, à partir du moment où il y a plusieurs types de pneus pluie, à ne pas pouvoir choisir leurs pneus. C’est dommage dans l’intérêt de la course. 

A quelle écurie correspond le mieux le tracé du circuit de Shanghai?
Cela va une nouvelle fois dépendre des conditions météo. Au Japon, McLaren a dominé mais, sans le mauvais choix de pneus de Ferrari au départ, il est difficile de juger qui aurait été meilleur. A Shanghai, ces dernières années, les Ferrari ont toujours été performantes. Maintenant, les McLaren semblent bien partout. Elles ont au moins cet avantage alors que les Ferrari sont plus « typées ». On va se concentrer sur la lutte des pilotes. Est-ce que, là aussi, il y aura une petite prise de risques ou pas? Elle va être maximale chez Ferrari à tous les niveaux, que ce soit technique ou stratégique. J’aimerais voir une course sur le sec dans l’intérêt du championnat et des forces en présence. Maintenant, si c’est une course sous la pluie, ça va être énorme sur le plan de la pression pour les pilotes.

Quel est votre pronostic pour ce Grand Prix?
(Sourire) Je pense que ce sera une Ferrari qui s’imposera. Je ne sais pas pourquoi. Je crois que McLaren va devoir, d’une certaine manière, assurer.



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