SPORT365.FR, 12.09.2008

Alain Prost: « Compliqué pour Ferrari »


Interview: Eric CAMACHO

A quelques heures du Grand Prix de Monza, Alain Prost revient sur l’issue incroyable du dernier Grand Prix. Pour lui, il était difficile de sanctionner Lewis Hamilton. Il voit le Britannique favori de la prochaine course sur les terres de la Scuderia.

Alain, comprenez-vous la sanction qui a frappé Lewis Hamilton à l’issue du Grand Prix de Belgique?
Je comprends que des commissaires qui ont eu à statuer sur son cas puissent s’être posé la question et aient pu le sanctionner. A titre personnel, en tant qu’ancien pilote, compte tenu du championnat et la course qu’il a réalisé, je ne l’aurais pas sanctionné. Malheureusement, il y a maintenant un règlement et des textes qui contrôlent ce type de dépassements. Surtout depuis que l’on fait des circuits où il y a des virages et des chicanes où il y a des échappatoires. Il y a une quinzaine d’années, la sanction d’une chicane court-circuitée était immédiate. Vous finissiez dans le bac à sable. Maintenant vous pouvez passer et il faut donc une règle. Et par rapport à cette règle, il y a une interprétation possible. A-t-il vraiment profité d’un placement meilleur pour réaccélérer plus vite et doubler Räikkönen? Ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas fait la faute dans la chicane car il a laissé passer son adversaire. Il faudrait avoir la télémétrie des deux voitures, voir comment il a pu accélérer. C’est très complexe et, à mon avis, un peu dur dans l’optique du championnat. Mais à partir du moment où l’on met trop de règles et de pénalités possibles, on arrive à cette conclusion. Il faudrait revoir tout cela. Il ne faut pas que le sport devienne la guerre mais on est peut-être allé trop loin.

Felipe Massa est finalement le grand vainqueur de ce week-end à Spa alors qu’il a paradoxalement été en retrait…
C’est un vainqueur paradoxal. Ce n’est pas immérité par rapport à la course de Valence ou celle de Budapest qui, pour moi, était l’une des plus belles courses de sa carrière avant qu’il ne casse son moteur. A Spa, il a été dominé par son coéquipier et Lewis Hamilton mais il gagne la course, sous réserve que l’appel de McLaren soit rejeté. Ce n’est pas un vilain vainqueur même si c’est un peu triste pour Hamilton. Essayons de voir le bon côté du sport. Mais si le championnat s’est joué ce jour-là, c’est dommage.

Avec la sortie de route de Kimi Räikkönen, Ferrari va-t-elle être obligée de faire un choix et de privilégier Massa au Finlandais?
C’est une vraie question que Ferrari doit se poser. On ne sent pas la Scuderia derrière Massa dans la mesure où l’équipe pense peut-être que, d’homme à homme, sur un, deux ou trois Grand Prix, il peut éventuellement craquer. A la différence d’un Räikkönen qui ne se pose jamais de questions. Cela les empêche peut-être encore aujourd’hui de prendre une position assez claire. Je crois qu’il faudra attendre après Monza pour établir une vraie hiérarchie. Imaginons que Räikkönen gagne le prochain Grand Prix et qu’Hamilton abandonne, tout serait relancé. Ferrari va sans doute attendre le dernier moment au risque de perdre le championnat. Pour l’instant, les points n’ont pas été mal répartis puisque cela a toujours été à l’avantage de Massa depuis deux ou trois courses mais ça pourrait vite évoluer.

Kimi Räikkönen reste, lui, toujours aussi difficile à cerner…
Malgré ce qu’il dit ou ce que les gens proches de lui peuvent dire, il a un petit problème de motivation. Il n’a pas très bien commencé la saison l’an passé avant de très bien finir comme on le sait. Il n’avait plus rien à perdre, il était décomplexé. Aujourd’hui, on le sent moins à son affaire. Il s’est réveillé à Spa où il s’était imposé lors des trois dernières saisons. Il a besoin d’éléments extérieurs pour être motivé à cent pour cent alors que ce n’est pas le cas de Massa.

Sébastien Bourdais a réalisé un bon week-end malheureusement entaché d’une fin de course difficile…
Son week-end a été très bon. On a beaucoup parlé de sa première course à Melbourne mais, depuis, il a eu des hauts et des bas. C’est la première fois de l’année qu’il fait un week-end plein, avec de bonnes performances lors des essais libres, des essais chronométrés et en course. Il y avait un tour de trop. Sincèrement, je ne l’accablerai pas par rapport à ce dernier tour. On sait que, dans ces conditions, il peut tout se passer. Il avait besoin d’assurer un résultat et de ne surtout pas terminer dans le rail. On peut comprendre sa prudence. Contre les pilotes chaussés en pneus intermédiaires, il n’y avait rien à faire. D’autres ont pris plus de risques à ce moment-là. Je crois qu’il était surtout vexé par rapport à Vettel, son coéquipier équipé des mêmes pneus et de la même voiture. Mais je ne pense pas que l’équipe lui en tienne rigueur. A voir s’il peut rééditer cette performance à Monza. Mais je pense qu’il garde une chance de rester dans cette équipe la saison prochaine.

L’incertitude sur la suite de sa carrière en F1 a-t-elle pesé sur sa fin de course et une éventuelle prise de risques?
Sébastien a un peu l’habitude de mettre la responsabilité sur les autres. Cela n’a pas toujours plu à son équipe en interne. Dès le premier ou le deuxième Grand Prix, il parlait de changer d’équipe. Je sais que cela a beaucoup vexé certains membres du team. Il aurait dû dire qu’il ne voulait pas annihiler tout le bon travail d’équipe réalisé pendant le week-end. On ne peut pas incriminer les autres pilotes qui ont pris plus de risques sur une piste plus dangereuse. Il ne doit pas se tromper quand il analyse son résultat. C’est là où je pense qu’il a commis une petite erreur depuis le début de l’année. C’est le seul conseil que je pourrais lui donner aujourd’hui.

Le Grand Prix de Monza se profile avec beaucoup de suspense. Comment voyez-vous cette course?
C’est toujours un Grand Prix spécial car cela reste le fief de Ferrari. Il y a une vraie préparation des voitures autour de cette course. La McLaren est toujours très à l’aise là-bas. Ça va vraiment être compliqué pour Ferrari. Ce qui est bien, c’est que les pilotes de la Scuderia n’ont pas cassé de moteur à Spa et cette fiabilité doit les rassurer. Je mettrais Ferrari et McLaren à 50-50 au niveau des chances. Cela va se jouer à très peu de choses. Il y aura aussi peut-être une course d’équipe et une stratégie différente. Le circuit peut se prêter à une stratégie plus agressive sans compromettre ses chances. C’est là que le sort de la course va se jouer. On annonce également de la pluie. C’est encore une autre histoire qui risque alors de s’écrire.

Quel est votre pronostic?
Je vais tout de même donner une McLaren et Hamilton en particulier pour une simple raison. La McLaren est très efficace sur les bordures et je pense qu’à coups de petit dixième par-ci ou par-là, cela peut faire la différence. On peut le faire pendant un tour mais sur l’ensemble d’une course, c’est plus délicat.



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