SPORT365.FR, 25.09.2008

Alain Prost: « On peut avoir des surprises »


Interview: Eric CAMACHO

A quelques heures du Grand Prix de Singapour, Alain Prost analyse la situation en tête du championnat du monde. S’il fait d’Hamilton le favori, cette première course de l’histoire en nocturne reste selon lui indécise.

Alain, trouvez-vous logique que la FIA ait confirmé la sanction frappant Lewis Hamilton sur le Grand Prix de Spa?
C’est assez logique car il était très difficile de changer une décision prise par les commissaires de course. Cette décision est très équivoque mais il existe un règlement. Selon sa lecture, c’est très compliqué. Il était encore plus compliqué pour la Cour d’appel de déjuger cette sanction. Même si le sport n’est pas forcément bien représenté dans cette décision, sur le plan purement réglementaire, il n’y a pas d’illogisme.

Nous avons vécu un Grand Prix d’Italie particulier. Qui, parmi les prétendants au titre, s’en tire le mieux?
Celui qui, pour moi, s’en tire le mieux est Felipe Massa. Il reprend un point à Lewis Hamilton et, compte tenu des circonstances et le fait que les Ferrari n’étaient pas à l’aise sur ce circuit mouillé, il ne s’en tire pas si mal. Maintenant, c’est un peu décevant pour les protagonistes au titre mondial, même pour Lewis Hamilton qui avait fait une mauvaise qualification. Lui aussi ne s’en tire pas trop mal car il récupère quelques points. D’un autre côté, nous avons vu la nouvelle génération arriver et c’était plutôt sympathique.

Est-ce que l’on peut qualifier ce Grand Prix de Monza d’une course pour rien dans l’optique de la lutte pour le titre?
On ne peut pas dire cela car il y a des endroits où une voiture va un peu mieux qu’une autre. Ferrari comme McLaren peuvent nourrir des regrets d’une course sur le sec. On l’a vu par le passé, un championnat peut se perdre ou se gagner pour un point. C’est lorsque l’on fait le bilan qu’on se dit qu’on aurait pu bénéficier ici ou là d’autres circonstances. Mais on a pu être déçu par les écuries Ferrari et McLaren sur ce genre de tracé et par rapport à l’enjeu.

A défaut d’un véritable gagnant, il y a un grand perdant: Kimi Räikkönen, distancé dans la course au titre. Cela va-t-il obliger Ferrari à faire un choix clair dans la hiérarchie de ses pilotes?
C’est au moins le mérite de la course de Monza. Ce Grand Prix a clarifié la hiérarchie dans les équipes. Pour Hamilton, avec McLaren, il n’y avait pas beaucoup de doute. Pour Massa et Räikkönen, il n’y a plus de doute également. Ferrari a l’obligation de pousser Massa pour conquérir le titre pilotes. Comment vont-ils le faire? C’est une autre question avec un champion du monde qui se met au service de son jeune coéquipier. Mais je crois que l’ambiance est assez bonne et je ne vois pas Räikkönen rechigner à la tâche.

Sébastian Vettel a remporté son premier Grand Prix. Il est devenu le plus jeune vainqueur d’une course en GP confirmant son énorme potentiel…
C’est déjà un grand. On l’a vu sur sa course. On voit surtout une ascension et une progression constantes. Pas seulement sur la piste. J’insiste là-dessus. Une carrière ne se fait pas que sur la piste. Beaucoup de pilotes ont tendance à l’oublier. Il a une maturité à son âge qui fait que, lorsqu’il doit saisir la bonne opportunité, il le fait. Il ne faut pas aller trop vite en besogne par rapport à des palmarès comme celui de Michael Schumacher. Mais Sebastian est maintenant connu, reconnu et surtout extrêmement positif pour une équipe. Il est très ouvert et s’entend très bien avec les ingénieurs et les mécaniciens. C’est une vraie force aujourd’hui dans les équipes des grands constructeurs où l’ambiance générale est aussi importante que la performance.

Sébastien Bourdais a, malgré son avant-dernière place, réalisé un bon week-end et sans doute marqué des points dans l’optique de son avenir en F1…
Sébastien était sur la deuxième ligne au départ. Il est dommage qu’il ait calé car il avait la voiture pour monter sur le podium. Les voitures devaient vraiment être réglées pour le sol mouillé. C’est une opportunité manquée. Maintenant, il a marqué des points et on peut penser qu’il a désormais une chance sur deux de rester dans cette équipe. Je ne vois pas Toro Rosso changer deux pilotes à la fois. Ça me paraît assez incohérent d’autant que Sébastien reprend du poil de la bête sur la fin de saison. La course de Singapour va être assez décisive pour lui.

Justement, Singapour est le premier Grand Prix de l’histoire de la F1 à se dérouler en nocturne. Il sera forcément particulier…
C’est un tracé en ville et donc un circuit qui n’est pas permanent. C’est une première pour la F1. On peut penser que la lumière et l’éclairage seront extrêmement efficaces. Je ne vois pas de vraie difficulté. Il y aura certainement un temps d’adaptation pour les pilotes. Je ne me fais pas trop de soucis au niveau de la sécurité, au premier rang des préoccupations de la FIA. La visibilité pourrait être altérée en cas de pluie ou de brouillard. Sur le plan des horaires, pour nous Européens, c’est parfait. Cela donne un coup de jeune assez intéressant pour la F1.

A-t-on une conduite différente en diurne et en nocturne?
Hormis sur le Trophée Andros, je n’ai jamais expérimenté la conduite de nuit. On n’appréhende pas du tout les mêmes choses selon que l’on soit de jour ou de nuit. Il faut, c’est vrai, une certaine habitude. Tout le monde va être logé à la même enseigne. Le champ de vision est forcément différent. Certains pilotes pourront avoir une meilleure appréhension des choses que d’autres.

A la lecture de tous ces éléments, quels sont les favoris selon vous?
On s’était basé sur Monaco puis Budapest et Valence pour affirmer que, sur les circuits serrés ou en ville, la McLaren était un peu mieux. En fin de compte, on s’est aperçu qu’à Budapest, si Massa n’avait pas cassé son moteur, il gagnait la course. Il a ensuite gagné à Valence. Je reste persuadé que c’est normalement Hamilton et la McLaren qui devraient être mieux adaptés à ce type de tracé. Mais, compte tenu des dernières courses, je pense que ce sont les deux leaders, Hamilton et Massa, qui vont se tirer la bourre. Sur ce genre de tracé complètement nouveau, on peut avoir des surprises. Et pourquoi pas Vettel et sa Toro Rosso qui semblent bien adaptés sur ce genre de tracé urbain? Je n’y crois pas trop à la régulière mais n’oublions pas qu’à Singapour, il pleut souvent.

En marge de cette actualité, où en êtes-vous de votre projet de Grand Prix de France?
Les discussions avancent bien avec Bernie Ecclestone. Elles s’engagent maintenant sur un terrain financier. Nous devons également conserver un timing bien précis si l’on veut avoir un Grand Prix de France en 2010. Il reste trois semaines pour finaliser ce dossier déjà bien monté. Je ne connais pas très bien le projet concurrent de Jean-Pierre Beltoise. Je l’ai découvert, comme vous, dans la presse. La seule problématique que je vois est celle du timing et de l’investissement beaucoup plus lourd. C’est un projet complètement différent, pour une ville, presque pour une région. Mais c’est surtout Bernie Ecclestone qui décidera de l’endroit où il veut aller pour le Grand Prix de France.



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