L'ÉQUIPE, 05.04.1996

PROST: "L'ŒIL SUR TOUT"!


UN HIVER A ESTORIL PORTEUR D'ESPOIRS, UN PREMIER GRAND PRIX, EN AUSTRALIE, OU LES MCLAREN FURENT A LA FOIS DECEVANTES EN ESSAIS MAIS OBTINRENT, AVEC HAKKINEN, UN RESULTAT ENCOURAGEANT, UN DEUXIEME GRAND PRIX, AU BRESIL, QUI SE TERMINE ENCORE BIEN POUR LE FINLANDAIS, ALAIN PROST A VECU TOUT CELA. DE TRES PRES. DANS CES NOUVELLES FONCTIONS AU SEIN DE MCLAREN MERCEDES QU'IL DETAILLE CI-DESSOUS.

ALAIN PROST, VOUS PARAISSEZ A L'AISE DANS VOS NOUVELLES FONCTIONS: EST-CE AUSSI AGREABLE QUE D'ETRE PILOTE?
Le plaisir de concrétiser ce que j'apporte, je ne pourrais l'avoir pleinement qu'en pilotant. Mais le cheminement que je souhaite dans la façon de travailler de chacun est le même que quand je pilotais. Lors de nos réunions de travail, je garde mon oreille de pilote.

ETES-VOUS UN CATALYSEUR ENTRE PILOTES ET INGENIEURS?
Le rôle de catalyseur, c'est aux pilotes de l'assumer entre leur voiture et les ingénieurs. Je fais le relais pour faciliter la compréhension dans les deux sens. Lorsque je conduis en essais privés, je suis considéré comme un pilote. Es sur les courses, je suis considéré comme un ingénieur.

INTERVENEZ-VOUS A CHAUD SUR LE TERRAIN?
Oui, si j'estime qu'un pilote prend une option technique trop hâtive. Eux-mêmes, parfois, m'interrogent. Mais je les laisse autant que possible maîtres de leur façon de travailler. Dans leur position autant que dans celle des ingénieurs, la qualité la plus importante est l'humilité. Moi compris.

OU S'EXPRIME VOTRE EXPERIENCE?
Depuis 1981, j'ai pris l'habitude d'inspecter en détail toutes les F1. J'ai acquis une mémoire visuelle qui me sert. Exemple: Hill et Villeneuve utilisent rarement les mêmes appuis. Je sais faire la différence entre leurs ailerons. Cela me permet de comprendre un écart de 3 ou 4 km/h en pointe entre eux.

QUAND HAKKINEN ET COULTHARD SONT EN PISTE, A QUOI ETES-VOUS ATTENTIF?
A tout: leurs performances, le moment où il la font, ce qu'ils disent. Si après une modification de réglage l'un d'eux gagne une seconde, je dois voir qu'au même moment les autres ont gagné 1''5. Et que le progrès est dû à une amélioration de la piste, et non au réglage choisi. Mon expérience me permet d'évaluer correctement ce genre de situations. Cela évite les orientations erronées. En qualification, j'interviens moins: quand un pilote à confiance en sa voiture, il faut lui laisser ce sentiment.

ET LE DIMANCHE MATIN, LORS DU RODAGE?
Plus en avance, plus la latitude des réglages à balayer se rétrécit. Au warm-up, on sait exactement à quoi s'en tenir.

ET LA STRATEGIE?
On la connaît pratiquement avant de rouler! Elle ne sera remise en question que pour d'éventuels changements météo. A Sao Paulo, ça séchait quand est tombée une averse. On a arrêté Coulthard plus tôt que prévu du fait de son premier tête-à-queue. J'ai appuyé pour qu'on l'équipe en pneus "slicks". Cela lui a permis d'être momentanément le plus rapide en piste. Mais la pluie est retombée et, alors qu'on tenait des "slicks" prêts pour Hakkinen, on a décidé à la toute dernière seconde de le faire repartir en "pluie".

RESSENTEZ-VOUS DE LA JALOUSIE, DE LA PART DES PILOTES OU DE CELLE DES INGENIEURS?
J'en avais peur, mais non, tout est facile. Au début, Ron Dennis a su faire passer le message. On a trouvé le bon équilibre. Je fais jouer mon expérience pour faire le moins d'erreurs possible.

N'EST-IL PAS FRUSTRANT D'ETRE AUSSI PRES DE LA COMPETITION SANS COURIR?
La frustration est pour tous. Même les pilotes... à l'exceptions d'un seul: celui qui gagne! Mon plaisir est plus fort que la frustration que je peux ressentir. Je vis une expérience formidable. Et puis le plaisir de conduire, je l'ai toujours en essais privés...

SI LA VICTOIRE SE FAISAIT ATTENDRE ET QUE RON DENNIS VOUS DEMANDAIT DE TENIR VOTRE ROLE DE REMPLACANT, COMMENT REAGIREZ-VOUS?
A froid, je suis incapable de trouver la bonne réponse. Si un jour le cas se présente, je prendrai ma décision à chaud. Si je courrais, l'unique but serait d'aider l'équipe. Ça ne serait pas par motivation personnelle. Le plus préoccupant serait de prendre le départ au milieu de jeunes pilotes à l'ambition exacerbée. Des types prêts à tuer père et mère pour gagner une place dans le premier virage.

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Johnny RIVES, Buenos Aires



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