Comme avant chaque Grand Prix, Alain Prost, quadruple champion du monde, nous livre son analyse à la veille des premiers essais du rendez-vous anglais, à Silverstone, où Renault part favori. Il revient aussi sur l’attitude de Michael Schumacher à Monaco.

Le Grand Prix de Monaco a été le théâtre d’une nouvelle démonstration de Fernando Alonso, peut-on déjà dire qu’il se dirige tout droit vers un deuxième titre ou est-ce encore un peu tôt ?
C’est encore un petit peu tôt mais il s’y dirige doucement mais sûrement. Il est toujours là, en forme et au top. En plus, à Monaco, il a bénéficié d’un peu de chance avec l’abandon de Raikkonen et la disqualification en qualifs de Michael Schumacher. La réussite fuit vraiment Raikkonen et McLaren alors que tout réussit à Renault. Fiabilité, performance, pilote en forme. On ne voit pas trop comment les choses pourraient s’inverser. Ferrari est quand même très proche, les pneus Bridgestone marchent de mieux en mieux mais il y a tellement de points d’écart et la constance étant là, la confiance est du côté d’Alonso et Renault. Il faudrait un résultat blanc pour Renault et une victoire de Ferrari pour relancer le Championnat. Pour l’instant, c’est un peu tapis rouge.

Cette situation semble énerver « Schumi » comme l’a prouvé son attitude en qualifications. Qu’en pensez-vous ?
J’ai fait très peu de commentaire pour ne pas dire aucun après les essais alors que j’étais sur place parce que j’étais certain qu’il avait eu un problème quelconque pour pouvoir faire ça. Après, en conférence de presse, quand il a dit qu’il s’était loupé, ça m’a terriblement choqué et je ne comprends pas cette attitude. On peut la comprendre d’un pilote qui joue un Championnat du monde pour la première fois, un jeune pilote qui perd un peu les pédales mais pas de quelqu’un qui a été sept fois champion du monde. On voit qu’il y a une tension importante de son côté et chez Ferrari. Surtout du côté de Michael pour finir en beauté. On dirait qu’il veut absolument préparer sa sortie et, si possible, gagner le Championnat avant de s’en aller – ce qui serait bien entendu magique – mais là il a plutôt terni son image. Parce qu’il n’y a pas de doute. Je ne veux pas juger, je suis quelqu’un d’extérieur, c’est ce que j’ai dit à la presse sur place, mais tout les gens de la F1 ont bien compris qu’il n’y avait aucun doute sur son attitude donc c’est choquant.

A Silverstone ce week-end, Renault et Alonso courront à domicile puisque l’équipe est basée en Angleterre. Une motivation toute trouvée ?
Oui, c’est certainement un peu plus facile pour les équipes anglaises mais Ferrari fait tout de même des essais à Silverstone. Il y a une époque où Ferrari n’allait jamais à Silverstone et restait à Fiorano ou au Mugello. Désormais ils ont compris parce qu’à chaque fois qu’ils allaient là-bas pour les courses, c’était une vraie raclée. Les temps ont changé et Ferrari fait pratiquement autant d’essais que les équipes anglaises qui ont pourtant un vécu et une expérience inimitables. Donc avantage à Renault, Ferrari et McLaren, un tout petit poil derrière. Et puis Williams, qui a un très bon châssis. Au fil des course, s’ils ont de problèmes avec le moteur parce qu’il y a moins d’évolution et de développement, ils progressent. Sur un circuit comme Silverstone, je ne les oublierais pas parce que c’est une voiture qui peut être très performante là-bas. Et puis, on ne sait jamais avec la météo en Angleterre…

Qu’est-ce qui peut enrayer la belle machine à gagner Renault ?
Pour l’instant, pas grand-chose…mais. Une équipe, c’est souvent une ambiance. C’est tellement important pour eux de gagner, comme tout le monde vous me direz, mais c’est important pour Alonso qui s’en va chez McLaren, c’est important pour Briatore qui pour l’instant n’est pas sûr de continuer, c’est important pour Renault compte tenu du fait qu’ils ont dit qu’ils continuaient en F1. Tout ça, c’est une ambiance. Il suffirait qu’il y ait une annonce, que Flavio Briatore, par exemple, ne reste pas, qu’il ne trouve un pilote de pointe (Raikkonen ?), etc… Donc, ça peut mettre un petit doute dans le futur. Et là, justement, un abandon d’Alonson pourrait perturber la machine. Mais pour l’instant, c’est une machine très bien rôdée. J’étais dans les paddocks pour le Grand Prix de Monaco, c’est une équipe vraiment parfaite avec un avantage technique, psychologique et une fiabilité incroyable.