L'ÉQUIPE, 11.03.1997

Alain Prost: "La machine est lancée"


Les deux voitures à l'arrivée, Olivier Panis cinquième et premier des pneus Bridgestone: Alain Prost pouvait difficilement rêver mieux pour le premier Grand Prix de son écurie. Ce résultat va contribuer à souder toute l'équipe et constitue une base solide sur laquelle s'appuyer pour la saison.

Dimanche, à l'arrivée du Grand Prix d'Australie, ii était heureux et soulagé. La première course de son équipe venait d'accoucher du "scénario idéal" qu'il avait imaginé : "C'est exactement ce que j'espérais," affirmait Alain Prost: "entre un et trois points pour Olivier Panis et un classement aussi près que possible du top 6 pour Shinji Nakano." La cinquième place du Grenoblois et la septième de son équipier japonais ne sont pourtant pas des résultats dont Prost Grand Prix pourra se satisfaire sur le long terme. Hier matin, en repartant vers l'Europe où un énorme programme de travail l'attend, le quadruple champion du monde confirmait que la course à la performance est en marche.

Ces deux points marqués par Panis vous ont-ils réellement comblé?
Je suis heureux de ce résultat: il nous donne un peu d'oxygène, il soude les gens, en interne et dans les relations avec nos partenaires. Tout le monde était très motivé mais ce premier déclic est important. Il l'est vis-à-vis de Mugen-Honda, pour qui l'annonce de notre partenariat avec Peugeot à partir de 1998 n'a pas, dans un premier temps, été facile à vivre. Il l'est vis-à-vis de Bridgestone, qui est ravi de ces premiers points, obtenus avec si peu d'expérience de la F 1 et sur un circuit aussi complexe en matière d'adhérence. La machine est lancée jusqu'en fin de saison. Marquer dès la première course, sportivement c'était important, psychologiquement encore plus.

Sans le temps perdu à cause de la sortie de piste de Panis vendredi après-midi, la JS 45 aurait-elle été plus compétitive?
Je le crois, car nous n'avons pas rempli notre programme d'essais. Ceux du samedi ont été décalés jusqu'au warm-up, où la voiture marchait bien. Olivier aurait dû être mieux que neuvième sur la grille mais à sa décharge, lors des qualifs, il a eu deux soucis d'accélérateur et le drapeau rouge l'a stoppé au moment où, sur un temps partiel, il était une demi-seconde plus vite que son meilleur temps final.

Panis a été l'un des seuls pilotes, avec Frentzen, et ceux de Stewart - dotés eux aussi de Bridgestone - à faire deux arrêts en course. Était-ce le bon choix?
II n'y avait pas de vrai choix pour Olivier. Bridgestone nous avait informés qu'au rythme qui allait être le sien il n'était pas certain qu'un seul arrêt soit suffisant. De notre côté, si nous osions quand même, cela aurait signifié une voiture plus lourde en carburant, donc plus de soucis avec les freins. Lors de cette première course, je ne voulais pas prendre le moindre risque. Pour Olivier, c'était deux arrêts. A posteriori, un seul n'aurait pas changé grand-chose au résultat.

Nakano, par contre, s'est arrêté une seule fois...
Comme il allait moins vite qu'Olivier, il était moins dur sur les pneus et sur les freins. Panacher les stratégies, c'était aussi permettre à Bridgestone d'obtenir un surcroît d'expérience.

Comment jugez-vous le comportement de Nakano?
II avait beaucoup de pression, liée au côté très japonais de notre équipe. Dès le vendredi matin, je lui ai demandé d'assurer au maximum. Il a fait deux petites excursions dans l'herbe en course mais, globalement, il a répondu à notre attente. En allant au bout, il a pu apprendre les rouages de la F 1. Il n'est pas encore au point mais il a amassé de l'expérience. Physiquement aussi, cela lui fait du bien.

Après cette première course, avez-vous une meilleure idée des points forts et des points faibles de votre équipe?
Un résultat de course est toujours quelque chose de subjectif. Il faut pouvoir analyser à froid et ne pas dévier de sa voie, mais j'ai déjà une vision précise, en effet. Le point fort, c'est la cohésion et la motivation des gens. Ils ont envie de progresser, de démontrer quelque chose, ne serait-ce que parce qu'ils n'ont pas toujours été bien traités par le passé. Ça me plaît. J'ai aussi remarqué une grande qualité: ils écoutent beaucoup, c'est important en F 1. Pour les points faibles, je ne veux pas entrer dans le détail. En schématisant, disons - et c'est logique - qu'ils n'ont pas l'habitude d'être en première division.

Allez-vous apporter tout de suite des changements?
Pas avant le terme du troisième Grand Prix, en Argentine. Pour améliorer, il faut y aller par petites touches. Le court terme est de faire des essais à Silverstone (les 18 et 19 mars) sur piste plus bosselée, et d'accroître la cohésion du travail sur la piste. La voiture vaut un peu mieux que ce qu'elle a montré mais les équipes moyennes - dont nous faisons partie - ont du mal à bien exploiter leurs F 1: elles ont moins d'expérience et d'éléments d'information que les équipes de pointe. L'important est que les gens soient motivés pour progresser. Aujourd'hui, cela passe par des essais.

De quelle façon travaillez-vous sur le long terme?
Dès mon retour d'Australie, une grosse part de mon emploi du temps sera consacrée à la recherche de nouveaux sponsors pour 1998. Nous devons nous donner des moyens car sans eux, en F 1, même si l'on sait ce qu'il faut faire on n'est rien. Aujourd'hui, notre budget est entre trois et quatre fois inférieur à celui d'écuries comme McLaren, Williams ou Benetton. Progresser prend du temps et exige aussi de l'argent. Il faut que je mette les bouchées doubles, que je travaille encore plus. L'élaboration de la nouvelle voiture, pour 1998, doit commencer à la fin du mois!

Après cette première expérience sur le terrain, quel regard portez-vous sur votre nouveau métier?
Lors des Grands Prix, cela ne change pas beaucoup de ce que je faisais l'an passé chez McLaren. En dehors, bien entendu, c'est complètement différent, avec une énorme charge de responsabilité et de travail. C'est parfait, je suis très heureux.

Que retenez-vous, globalement, de ce Grand Prix?
La grosse surprise, c'est McLaren. Dans la mesure où nous ne jouons pas le Championnat, je suis ravi pour eux. Les voir gagner de nouveau, après un peu plus de trois ans, m'a fait avoir une pensée pour Ayrton Senna qui avait remporté avec eux sa dernière course, fin 1993. Avant le départ dimanche, les gens de Mercedes, avec qui j'entretiens de très bons rapports, étaient venus me voir. Je leur avais dit que j'espérais qu'ils gagneraient et que nous terminions dans les points. J'ai été exaucé. Dans une certaine mesure, l'an dernier, en tant que conseiller technique, j'ai participé à l'élaboration de leur renouveau, et pour partie de leur voiture actuelle. Ils méritaient de vaincre et ils vont être redoutables cette année.


De Didier BRAILLON



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