L'ÉQUIPE, 29.01.2002

Alain Prost: "Le marché n'existe pas"


ALAIN PROST n'a trouvé, dans aucun des dossiers de sauvetage, de réels moyens au bon fonctionnement futur de l'écurie.

La voix est à peine audible: "Je vous préviens tout de suite, je ne ferai certainement pas long", lâche Alain Prost dans le vestibule du tribunal de commerce de Versailles. Juste après avoir tenu une vidéo-conférence avec ses employés à l'usine de Guyancourt pour les informer de la liquidation de l'entreprise, le patron a commenté devant les médias l'échec de son aventure en F1.

Jeudi dernier, vous n'aviez pas caché votre pessimisme. Cette fois, la liquidation de votre entreprise vient d'être prononcée. C'est la fin de Prost Grand Prix...
Ce n'est pas une vraie surprise et je ne considère pas cela comme une sanction. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, entre le tribunal, l'administrateur judiciaire, toute mon équipe et moi-même, nous avons toujours eu les mêmes idées, nous avons toujours parlé d'une même voix. Aussi, à partir du moment où les conditions ne sont pas requises pour la poursuite des activités dans de bonnes conditions, qu'elles soient d'ordre financier comme moral, bref dans des conditions normales, je crois qu'il était correct de prendre cette décision. C'est malheureusement un constat d'échec mais je crois que maintenant, il faut assumer. Ma première pensée va surtout à toute mon équipe, que je viens d'appeler en premier, d'abord pour lui faire part de la décision et surtout pour la remercier d'avoir participé à ce challenge. C'est très regrettable pour eux tous parce que depuis ces quatre années passées ensemble, nous avions formé maintenant la meilleure équipe. De plus, nous avions des résultats très encourageants concernant le développement de la nouvelle voiture, bon... il manquait les moyens, c'est vrai...

Que vont devenir vos employés?
L'administrateur et le liquidateur ont demandé une poursuite d'activité de quinze jours pour permettre de valoriser les actifs mais aussi pour penser aux salariés. Il va y avoir un plan de licenciements et on va réfléchir à des possibilités de reclassement.

Combien de dossiers ont existé?
II y a eu quelques dossiers intéressants. li y a eu de tout, comme on peut l'imaginer dans ces cas-là. Jus-qu'au bout, nous avons tout fait pour aller le plus loin possible en attendant des dossiers avec des garanties très sérieuses, Nous n'avons jamais eu le moindre contact, ni avec un sponsor, ni avec un investisseur ni avec un repreneur français.

Concrètement, combien d'argent manquait-il à ces dossiers?
Le problème est différent. On ne peut pas dire vraiment combien il manque, mais il s'agit surtout d'un plan à construire. Pour parler des dettes de l'entreprise, elles étaient seulement de l'ordre d'une quinzaine de millions d'euros (100 millions de francs), ce qui, par rapport au budget d'une équipe de F1, n'est rien. Cette situation prouve que le marché n'existe pas aujourd'hui pour ce genre d'équipes dans la F1, dans la mesure où ce ne sont pas les dettes qui peuvent faire reculer un investisseur ou un acheteur; c'est pas ça, le problème. Le problème est de gérer, chaque année, le budget d'exploitation. Tous les gros sponsors sont diminués aujourd'hui par la situation économique, par le fait qu'il y a quelque temps, il y a eu beaucoup de fusions, par le fait qu'ils se concentrent sur les grandes équipes puisque, maintenant, les grands constructeurs sont arrivés. Je crois qu'il faut se rendre à l'évidence: c'est un championnat de grands constructeurs et voilà... C'est le constat que je peux faire aujourd'hui.

Quand on connaît la difficulté d'entrer dans ce sport, une équipe comme Prost Grand Prix n'a intéressé personne?
(Alain lève les yeux.) Tout ce que je peux dire, c'est que nous n'avons jamais eu de proposition de cession, c'est-à-dire que nous n'avons jamais eu de proposition de rachat complet de l'équipe.

Quel est aujourd'hui votre sentiment?
J'en ai tellement pris dans la tête depuis des années que pour moi, c'est presque un soulagement. Mais, encore une fois, il faut penser aux salariés en premier, à tous les supporters qui restent très mobilisés, à tous les amateurs de sport automobile français. Avant toute chose, je pense que c'est un échec total de la France.

Qu'allez-vous devenir?
Le problème n'est pas là, Sincèrement, pensez à tous les autres plutôt qu'à moi. Si vous pouviez même de temps en temps, vous la presse, me laisser un peu au lieu d'écrire tout ce que je vois ou entends. Je saurai rebondir après un peu de repos, vraiment sans aucun problème.

Vous dites-vous c'est fini?
Je n'ai pas dit cela.

CAROLE CAPITAINE



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