24 HEURES, 05.10.2001

Alain Prost: « Je vis pour mes enfants »


Anne-Marie PHILIPPE

Le patron de F1 vit la période la plus difficile de sa vie sur le plan professionnel. Mais l'essentiel pour lui est ailleurs: «Mes garçons sont ma plus belle réalisation.»

Alain Prost, voix douce et regard mélancolique, laisse transpercer un charme indéfinissable. L'homme vit actuellement un challenge professionnel éprouvant et contraignant: «On attend beaucoup de moi. C'est la période la plus difficile de ma vie. Les coups sur la tête sont plus nombreux. Mais c'est aussi excitant et extrêmement intéressant.» Sa famille est, pour Alain, l'essentiel de sa vie. Dès qu'il a une minute, Alain revient en Suisse, retrouver les siens. Dans son nouveau nid, il connaît la sérénité et le bonheur. Les relations très privilégiées qu'il entretient avec ses deux garçons de 11 et 20 ans le ressourcent.

Adolescent, Alain était un jeune garçon débrouillard. Un touche-à-tout, curieux et sportif. Il jouait au football, faisait de l'athlétisme et, sur le bateau de ses parents, endossait d'office le rôle de capitaine. Très jeune, il s'est passionné pour le karting. Il ne pensait plus qu'à ça. Il a quitté l'école très vite et a aidé son père, menuisier, à installer des cuisines. Il les livrait aussi. C'était un parfait petit apprenti. A côté de son travail, il vendait des pièces détachées pour voitures ou kartings. Chez lui, sa trajectoire est «pensée». Tout a un but. Quand on parle philosophie, pour Alain, tout est lié à des projets. Ils sont ses buts dans sa vie, ses moteurs. Ses passions. Il ne regrette pas grand-chose. Lorsque Alain prend une voie, il persévère et s'obstine. «Si on se trompe, on doit payer. Les bénéfices seront inscrits au programme d'une prochaine expérience.»

Pour sa famille, Alain est prêt à tout. Sa générosité n'a pas de limites. Issu d'un milieu modeste, Alain est plutôt fourmi, pour lui, mais pour les siens, il ne compte pas. Eprouvé par la mort de son frère, atteint d'une tumeur au cerveau lorsqu'il était très jeune, puis d'un cancer du poumon plus tard, Alain pense que la plus belle richesse est la santé. «Poisson, ascendant Gémeaux», l'homme se dit changeant. Il peut être froid comme un ordinateur ou sensible, fragile et excessivement humain. «Je suis stressé, un peu rongé. J'ai du mal à me libérer. Je suis si pudique. Je ne peux pas laisser exploser ma joie. Je suis toujours tendu et exprime peu mes sentiments. En revanche, j'aime la compagnie de gens gais et expansifs. Mes enfants sont ma plus belle réalisation. Je vis pour eux. Tout ce que je fais me rattache à eux. L'équilibre entre ma vie professionnelle et privée est difficile à trouver. Lorsque je suis à la maison, je ne me laisse pas déborder par mes problèmes.»

Quelles sont les qualités que vous préférez en vous?
Le professionnalisme et la franchise. C'est quelquefois dangereux. Il faut du courage.

Et les défauts qui vous dérangent?
Mon sens de la perfection qui peut aller jusqu'aux choses impossibles. Je regrette aussi d'avoir du mal à me laisser aller, à exprimer mes sentiments.

Qu'aimez-vous par-dessus tout chez les êtres humains?
La franchise, l'amitié. J'apprécie beaucoup les gens gais. Il est important que je puisse être indépendant. On n'a pas besoin de se parler pour être bien.

Et que détestez-vous?
Les «moi je», sans arrêt et les «y a qu'a», «faut qu'on». C'est rédhibitoire, je ne supporte pas.

Quel bilan tirez-vous de votre vie?
J'ai une vie de nomade avec un facteur risque qui a été important. Cela créé des relations de qualité. J'ai eu la chance de ne pas avoir d'accident et la santé est essentielle dans ma vie. Je fais attention à mon physique.

A quoi rêvez-vous aujourd'hui?
Il n'y pas grand-chose que je n'ai pas. Je souhaite continuer à pouvoir protéger ma famille.

Referiez-vous quelque chose différemment?
Il a fallu faire des choix difficiles. Il est clair, qu'avec le recul, je peux imaginer que certaines choses auraient pu être différentes, mais avec les mêmes données humaines ou autres, j'aurais agi de même.

Quel serait votre livre fétiche?
Un bon bouquin sur le vélo me détend. J'adore la technologie et je m'informe ainsi des résultats de certaines courses.

Quelles sont vos fleurs préférées?
J'aime surtout le côté coloré et vivant des fleurs. J'ai un petit penchant pour les rhododendrons et les roses.

Parlez-nous d'un film qui vous touche.
J'ai un film culte: Les tontons flingueurs. Tout me plaît. C'est drôle et vivant. Je peux le revoir à l'infini avec le même plaisir.

Quel fut le plus beau repas de votre vie?
C'était après un championnat du monde, j'en garde un souvenir impérissable. Sinon, c'est avant tout des moments avec des amis, sans chichi. Une petite grillade au bord du lac avec eux, c'est ça le bonheur. Je ne suis pas du tout jet-set. C'est pas mon truc.

Quel est le cadeau qui vous a fait le plus plaisir?
J'aime les cadeaux utiles sans aucune connotation avec sa valeur marchande. Dernièrement, j'ai adoré un porte-cartes sympa que l'on m'a offert. Ainsi, lorsque je m'en sers, je pense à la personne. Je suis aussi un grand collectionneur de montres.

Quel est le premier achat qui vous a comblé?
Ma première voiture. J'ai travaillé dur pour l'acheter. C'était mon premier objectif et j'ai pu le faire avec l'argent que j'ai gagné. C'est inscrit dans ma vie comme l'un de mes plus grands bonheurs.

Quelle est, pour vous, l'épreuve la plus douloureuse de votre vie?
La mort de mon frère, un peu plus âgé que moi. Il nous a quittés en 1987 et cela m'a beaucoup perturbé.

Alain, êtes-vous jaloux?
Je dirais plutôt non. Cela ne m'empêcherait pas de réagir comme tout être normal si on drague la femme que j'aime.

Et envieux?
Pas du tout. Je me réjouis de la réussite des autres. Elle me comble et me rend heureux.

Pourriez-vous mentir par amour?
Oui. Pour ne pas faire mal, malheureusement. Sans être sûr que cela soit bien.

Comment vivez-vous l'amour?
Je pense le vivre sereinement. Je suis un romantique.



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