ACTU24.BE, 09.10.2009

Alain Prost: « Oser mettre les pieds dans le plat »


Interview: Arnaud BOEVER

Alain Prost,un sujet parmi d'autres pour commencer: votre présence évoquée à la tête du team Renault F1 en 2010 en remplacement de Flavio Briatore, info ou intox?
C'est compliqué... Je ne cherche pas un job. Mais oui, le projet pourrait m'intéresser. Tout dépend de ce que la marque veut vraiment faire. Et c'est là que c'est délicat, car honnêtement, j'ai dû mal à cerner la situation et les réelles intentions de Renault. Peut-être parce que je n'ai jamais eu le bon interlocuteur devant moi.

Avec votre expérience et vos liens historiques avec Renault, quel regard portez-vous sur le récent scandale du "crashgate" de Singapour 2008?
Il y a toujours eu des "affaires" en F1, des ingénieurs qui lisaient les règlements entre les lignes, des triches ou des consignes. Mais l'accident volontaire de Piquet Jr a dépassé certaines bornes. Cette affaire est surtout symptomatique de ce qui se passe souvent dans le sport d'aujourd'hui, et pas uniquement en F1: on y voit trop de gens intéressés, là où hier, ce n'était qu'affaire de passionnés. D'où la nécessité de repenser les choses de fond en comble. Renault va ainsi devoir remodeler son image, la F1 aussi d'ailleurs, et pour l'un comme pour l'autre, cela risque de prendre du temps.

Pour continuer sur 2009: comment analysez-vous le succès de Brawn?
Ils étaient prêts avant les autres et si depuis quelques courses Button et Barrichello sont sans doute plus à leur vraie place l'avance prise devrait leur suffire. Reste une préoccupation: quand des constructeurs autos se font battre tous les dimanches par des Red Bull dans la discipline reine du sport auto, soit dans leur jardin, c'est dur à accepter (et à justifier).

Et plus globalement, que pensez-vous de la F1 actuelle?
Avec ses qualités et ses défauts, elle est conforme à ce que j'ai toujours dit. Dès les années 80, j'avais ainsi prédit que les constructeurs "généralistes" l'investiraient. Mais ils sont venus trop brutalement et leur dérouler le tapis rouge au détriment des petites équipes jusqu'alors patrimoine de la discipline (Lotus, Brabham, Tyrrell, Ligier...) a été une erreur. Autres soucis de la F1: le manque de spectacle, les ravitaillements - heureusement supprimés l'an prochain - et le règlement touchant au moteur. Je suis évidemment pour une réduction des coûts, mais le moteur est l'outil principal par lequel un constructeur peut se valoriser. Il fallait laisser totale liberté! Quant au moteur unique prôné par Briatore par exemple, c'était carrément une connerie... Enfin, si une réduction des essais hors Grands Prix pouvait s'imaginer, les interdire carrément va au détriment de la sécurité et de la détection de jeunes pilotes.

Plus encore que la F1, n'est-ce pas tout le sport auto qui est malade?
Voilà une vraie question! On semble avoir perdu la culture du sport auto. Mais j'ose croire qu'il reste autant de passionnés. Il faut simplement redescendre sur terre. Il y a trop de disciplines, trop de formules de promotion se prétendant notamment antichambre de la F1. Il n'y a ni l'économie ni la visibilité pour tout ce qui existe. Il faut oser mettre les pieds dans le plat.

D'autant que le sport auto ne semble plus trop dans l'air du temps...
Il y a 1000 choses à faire pour réconcilier sport auto et écologie! Bien sûr, rêver d'une F1 électrique est utopique, mais on peut imaginer des défis technologiques (par exemple un moteur d'1 litre de cylindrée turbo avec une quantité d'essence donnée comme 160 litres de bio-carburant par course) qui raviront les ingénieurs et seront transposables très facilement par les constructeurs dans leurs autos de tous les jours.

Enfin, vous avez quitté la F1 par la petite porte (faillite de Prost Grand Prix). Vous y repensez parfois?
Ce scénario me restera toujours en travers de la gorge. Du moins jusqu'au jour où je ferai le livre qui dira tout. Je l'ai commencé. Il y a très peu de gens qui savent exactement ce qui s'est réellement passé. Et il y a justement une pièce du puzzle qui vient de tomber de son piédestal, tout récemment. Là comme à d'autres moments de ma vie, j'ai peut-être commis des erreurs, mais s'il y a un truc qu'on ne pourra jamais me reprocher, c'est de ne pas avoir été intègre. Et je peux le répéter 1000 fois.



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