Interview: Jean-Moise DUBOURG

A l’occasion de l’arrivée de la F1 en Europe et jusqu’à la fin de la saison, Alain Prost nous livre son analyse avant le rendez-vous de Barcelone ce week-end. Bluffé par Hamilton, le quadruple champion du monde français juge le début de saison « fantastique ».

La saison est on ne peut plus ouverte avec trois vainqueurs différents pour les trois premiers Grands Prix. Comment jugez-vous le début de saison ? Et comment va se passer la Grand Prix d’Espagne ?
C’est un début de saison fantastique. Dans l’intérêt du Championnat, c’est magique avec trois vainqueurs différents plus un quatrième larron (Ndlr : Hamilton) qui n’a pas gagner de course mais qui est la révélation de l’année et qui a été absolument exceptionnel lors des trois premiers Grands Prix. Là, on arrive en Espagne, premier Grand Prix européen de la saison après un mois de break entre le dernier Grand Prix et celui de Barcelone. Ce qui veut dire qu’il y a eu beaucoup d’essais, beaucoup d’éventuelles petites nouveautés sur les voitures donc une possible redistribution des cartes au niveau des performances. Ce Grand Prix a surtout un aspect important sur le plan psychologique. Pourquoi ? Parce que d’un côté, il y a Massa et Raïkkonen dans la même équipe. Malgré tout, même si Raïkkonen est un peu devant je trouve que Massa a pris un petit ascendant parce que s’il a eu beaucoup de petits problèmes, d’ennuis lors du premier Grand Prix à Melbourne, il a prouvé qu’il est plus rapide que Raïkkonen. Raïkkonen on le sent éteint. On avait peur qu’il ne soit pas trop intégré dans l’équipe et c’est un peu le cas. Il est toujours performant bien sûr mais ce premier Grand Prix européen va être révélateur. Au niveau de McLaren c’est encore un autre problème puisque le rêve d’Alonso était de venir chez McLaren, il est certainement très heureux. Mais malgré tout il tombe face  un jeune qui est devenu le chouchou, la coqueluche de tout le monde dans le milieu de la Formule 1, extrêmement compétent, performant, fiable et qui est un peu le nouveau fils spirituel de Ron Dennis. Alonso se trouve dans une situation qu’il ne pensait pas connaître en venant chez McLaren.

Est-ce que Hamilton vous impressionne et peut-il gagner à Barcelone ?
Au vu de ce qu’il nous a montré lors des premiers Grands Prix, on peut s’attendre à tout. Il a déjà la performance, la solidité mentale et physique. Il n’a pas commis d’erreurs. Aujourd’hui, il est dans une optique d’égal à égal avec Alonso, ce qui est d’ailleurs vrai au classement. On peut s’attendre à tout. Maintenant, un jeune pilote peut toujours manqué d’expérience. Il pourrait prendre la grosse tête, ce qui arrive toujours à un moment ou à un autre. Mais, pour l’instant, il me semble bien dans ses baskets et préparé psychologiquement. Donc il n’y a pas de grosses failles pour l’instant.

Alonso et Räikkönen sont favoris mais on a l’impression qu’ils sont déjà en mode de gestion, un peu endormis. Ils pourraient se faire dépasser par leur équipier ?
Les quatre pilotes dans ces deux équipes, pour la première fois depuis très longtemps, sont dans une position d’égalité. Il n’y a pas vraiment de numéro un. Ça vient chambouler la donne. Ces dernières saisons, Raïkkonen n’était pas spécialement numéro 1 mais il était considéré comme le pilote leader. Alonso chez Renault était clairement un numéro 1. Ils redistribuent la donne psychologiquement car ils se trouvent dans une position où Massa d’un côté et Hamilton de l’autre leur donnent du fil à retordre. Et ils ont cette nouvelle situation à gérer qu’ils ne connaissaient pas avant. C’est pour ça qu’ils mettent un petit peu de temps et c’est aussi ça l’enjeu du Grand Prix de Barcelone : voir s’ils parviennent à changer la donne.

Un pronostic pour le Grand Prix d’Espagne ?
Je reste encore sur une lutte Ferrari-McLaren, sans aucun doute. On verra si BMW pourra se rapprocher. Pour l’instant je ne vois pas Renault se mêler de nouveau à la lutte en tête. C’est un peu dommage parce que dans les deux meilleures équipes il y quatre pilotes qui sont capables de s’imposer donc si l’on ajoute les pilotes BMW, on se situe tout de suite vers les septième, huitième positions, ça veut dire pratiquement hors des points. Le Grand Prix va nous montrer un petit peu quelles sont les forces derrière qui vont pouvoir remonter pour faire des coups d’éclat. C’est toujours la surprise et l’intérêt de cette arrivée en Europe. On pense à Red Bull, éventuellement à Toyota qui a fait un début de saison qui était meilleur que ce que les essais hivernaux pouvaient laisser penser.