LE JOURNAL DU DIMANCHE, 13.10.2008

Prost: "Une question d'intérêt national"


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Propos recueillis par Gaëtane MORIN
Le Journal du Dimanche
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C'est le projet favori à la reprise du Grand Prix de France après 2009, dernier rendez-vous à Magny-Cours. Porté par Alain Prost, le dossier du "Val d'Europe" (Seine-et-Marne) est même le seul viable dès 2010 aux portes de Paris, comme le souhaite Bernie Ecclestone, le patron de la F1. Démarché par Lagardère Sports, le quadruple champion du monde planche depuis un an et demi. Un pas en avant, deux pas en arrière... Il a connu la valse des tâtonnements et des reculades, jusqu'au découragement devant la multiplication des candidatures farfelues. Et puis, tous s'est accéléré cet été. En contact régulier avec Disney, il a multiplié les rendez-vous tous azimuts, conscient de courir après la montre. Après avoir dressé, jeudi soir, un état des lieux aux élus locaux qui lui ont présenté leurs doléances, il lève le voile sur un projet longtemps confidentiel.

Votre projet n'a pas convaincu les élus. Allez-vous revoir votre copie?
Nous l'avons déjà revue puisque, à leur demande, nous avons abandonné l'idée d'un circuit permanent. Ils craignaient qu'il soit source de nuisances et de pollution. Il est normal qu'ils se posent des questions. C'est à nous de leur apporter des réponses, dès le début de cette semaine. Nous allons par exemple leur fournir les données chiffrées des flux de voitures et d'hélicoptères pendant un week-end de course. Ils nous ont demandé une étude sur l'impact environnemental, économique et financier du Grand Prix pour l'agglomération. Elle est déjà prévue et budgétée. Bien sûr qu'il y aura du bruit pendant trois jours ! Mais notre démarche est axée sur le développement durable, nous serons vigilants. Que les choses soient claires : nous ne passerons pas en force. Nous avons besoin de leur adhésion pour que le projet soit viable.

Est-ce si important de conserver un Grand Prix en France?
C'est une question d'intérêt national. Cela dépasse le cadre de la Formule 1. L'automobile est aujourd'hui un secteur en grand danger, qu'il faut défendre en prenant le virage des technologies nouvelles et en réaffirmant notre culture automobile. Le premier Grand Prix européen a eu lieu en France. La F1 participe au rayonnement international, elle renforcera le développement du tourisme étranger. Il faut s'intéresser à l'équation nuisances/retombées pour mesurer l'importance de cet événement.

Quels sont le rôle et l'implication de Disney?
Nous avons un accord sur la mise à disposition de leurs terrains mais ils ne s'impliqueront pas directement dans l'organisation et la promotion du Grand Prix. Cela dit, les discussions vont se poursuivre car l'idée n'est pas de faire deux événements séparés: il faudra coordonner le GP de France à l'activité des parcs Disney. Nous avons déjà fait des études pour renforcer l'offre de transports.

Le circuit est-il tracé?
Pas encore. Mais on en connaît les grandes lignes: il s'appuiera sur la voirie existante, dans un terrain vallonné où il faudra tenir compte de deux ponts qui enjambent les voies. Je travaille dessus avec l'architecte Jean-Michel Wilmotte. J'ai déjà quelques idées de virages mais je dois encore me pencher sur les règlements en vigueur. Je veux du spectacle, des dépassements et un circuit sympa pour les pilotes. Il faudra éviter l'écueil du tracé de Valence: alors que j'avais été séduit par leur projet urbain, j'ai été très déçu quand j'ai regardé la course à la télé, fin août. A part deux ou trois bateaux dans le port, le téléspectateur n'a rien vu...

Quel est le coût du projet?
Un peu plus de 60 millions d'euros. Il a fallu faire des ajustements après avoir renoncé à un circuit permanent, mais on tendra vers ce chiffre-là.

La promotion du GP sera confiée à Lagardère Sports, et non plus à la Fédération française. Comment rentrer dans ses frais alors que cette gestion est déficitaire chaque année?
Je suis en cours de négociations avec Bernie et tenu à un accord de confidentialité. Mais il faudra évidemment que cela soit rentable pour Lagardère. C'est un entrepreneur privé qui s'engage seul à construire un circuit et à promouvoir son activité. D'autant qu'on ne connaît pas, aujourd'hui, les effets de la crise financière actuelle. Qui sait si, dans deux ans, les gens seront encore enclins à débourser 400 à 500 euros pour un week-end de F1?

Quel sera votre rôle exact?
Je suis porteur du projet et appelé à prendre la responsabilité du Grand Prix pour Lagardère. C'est une manière intelligente, pour moi, de revenir en F1. Ou d'y rester parce qu'à dire vrai, je ne l'ai jamais vraiment quittée. Après Prost Grand Prix, j'ai travaillé longtemps pour le GPWC, l'association des constructeurs. Je connais le mode de fonctionnement de la F1, les contrats, la personnalité des gens. Je profite de toutes ces expériences.

Est-ce une manière pour vous de tirer enfin un trait sur Prost GP?
Non. Je ne tirerai jamais un trait là-dessus. Jamais. Je l'ai rangé dans une case, c'est tout. Mais je ne suis pas revanchard. Cela fait bien longtemps que j'ai oublié ce mot. Même si je suis le premier à émettre des critiques sur la France, parce qu'elle ne sait pas faire du lobbying, ni utiliser les synergies qui existent, j'ai aussi un petit côté nationaliste : j'ai toujours à coeur de défendre notre patrimoine. C'est le sens de mon action aujourd'hui. Je représente un groupe, dans un projet commun. Et c'est moins facile de m'attaquer qu'à l'époque de Prost Grand Prix, où tout reposait sur moi.



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