LEADER CHIC, 16.05.2011

Alain Prost pilote sa nouvelle vie


Son emploi du temps est encore beaucoup plus serré que lorsqu’il était pilote de F1. Le quadruple champion du monde de F1 a pris le temps de nous parler de sa nouvelle vie. Au Murat, le café de la Porte d’Auteuil, on a découvert un homme à la retraite, plus en forme que jamais.

Que représente le Grand Prix de Monaco pour un pilote de F1?
Le grand prix de Monaco, c’est l’évènement majeur de l’année. Quand on est pilote on a envie de gagner son Grand Prix national, mais on a surtout envie de gagner à Monaco. Comme dans toutes les courses, il faut avoir toujours un peu de chance pour s’imposer sur ce genre de tracé mais la préparation de la course et le talent font la différence.

Ce Grand Prix exige une préparation particulière?
Oui. Techniquement et mentalement, la préparation va crescendo. C’est le seul week-end de course qui dure 4 jours. Il y a une tension permanente, on peut faire une faute de pilotage à chaque instant. On a des sollicitations sur la piste elle-même, et en plus, il y a toutes les réceptions, les sollicitations des sponsors. On dépasse le cadre du sport automobile à Monaco. Il y a aussi cette tradition qu’on ne voit nulle part ailleurs, et qui veut que le dimanche soir, le Prince et la famille Royale invitent directeurs d’équipes, pilotes. C’est une vraie réussite.

Aujourd’hui votre vie est plus calme?
Depuis un an ou deux ans, c’est sollicitations sur sollicitations. J’ai coupé avec tout ce que j’avais dans le passé, je n’ai plus de secrétaire, plus d’assistante; je n’ai jamais eu d’agent, à part Frank Hocquemiller, je gère pratiquement tout, tout seul. Je suis assez casanier, mais je m’efforce de faire des choses qui m’intéressent. Aujourd’hui on me propose tout, mais j’essaye de rester toujours dans mon domaine. Je dis plus souvent non, que oui.

Pilote, vous étiez décrit comme perfectionniste, vous avez changé aujourd’hui?
(Il éclate de rire) - Je me refais une maison en Suisse, et je m’aperçois que c’est pire! Regardez, - (il montre son porte-clefs de voiture, c’est un mètre) - je mesure tout. C’est vrai que je suis très méticuleux, perfectionniste. Il vaut mieux se rendre compte des problèmes avant, qu’après. Quand vous êtes perfectionniste, vous voulez tout assumer, contrôler, gérer. Ca, c’est le plus compliqué pour moi, mais je ne peux pas faire autrement. Quand j’avais douze ans, j’avais l’impression que moi seul pouvait piloter le petit bateau de mes parents. Ils avaient vraiment de gros soucis de travail, mon frère était malade, j’étais un deuxième chef de famille et je pense que ça m’est resté.

La famille, c’est quelque chose d’important?
Il n’y a rien de plus important que la famille, et la santé.

Qui a influencé votre vie?
Je ne suis pas influençable, le dernier qui parle ne me fait pas changer d’avis. J’aime bien savoir ce que les gens pensent, après... est ce que ça me guide ou pas? Mais quand j’ai pris la décision, j’assume. Je ne regrette jamais rien. Même les deux, trois grosses conneries que j’ai faites je ne les regrette pas.

Quelle est votre vie aujourd’hui?
Les expériences me tentent, mais je ne veux plus prendre de risques. J’ai 56 ans, je me sens très jeune mais je me rends compte qu’on ne doit faire que des choses que l’on peut faire. Mon hobby c’est: les courses sur glace en hiver, ce qui me prend pas mal de temps, mais j’ai aussi des missions pour la FIA, pour la fédération, pour les constructeurs. J’ai même rempli des missions pour le gouvernement français.

Vous faites de nombreuses sorties en vélo?
Le vélo, c’est un vrai phénomène social. Quand on voit des personnes sur un vélo on ne peut pas imaginer ce qu’elles peuvent faire. On a tous des tenues aussi ridicules les unes que les autres et moi je trouve ça très sympa.

De vos activités multiples, quelle est celle qui vous passionne le plus?
L’économie. J’ai toujours été attiré par ça.

Vous n’avez jamais caché vos amitiés politiques, vous pourriez vous impliquer davantage?
J’ai toujours eu des idées de droite, mais maintenant, j’ai l’impression que c’est complètement obsolète. Pour assumer la gestion d’un pays, comme on le fait dans une entreprise, on devrait pouvoir prendre les meilleurs dans leurs domaines, sans tenir compte de leurs idées politiques; c’est utopique, mais c’est comme ça que ça devrait être géré. En ce moment, on est dans la politique politicienne qui ne fait pas avancer. Entre un discours et ce qui se passe, d’un coté comme de l’autre, on est souvent déçu.

Que regrettez vous surtout?
Le rayonnement de la France, c’est quelque chose qui m’a beaucoup frappé; je voyage encore aujourd’hui, je travaille avec des étrangers, et ainsi on a une perception assez différente de son pays. En France on est vraiment avec des oeillères. C’est dommage, parce que c’est le plus beau pays du monde, mais on a l’image d’un pays en déclin. Je ne suis pas défaitiste, mais on n’utilise pas les compétences que l’on a, à tous les niveaux, et tout ça, c’est parce qu’on ne sait pas travailler en synergie. On a des mesures qui nous ont dégradés petit à petit, à commencer par les 35 heures. Il y a aussi les charges sociales. A l’époque, j’avais exactement la même masse salariale que chez McLaren, mais eux avaient un peu plus du double d’employés. Dès qu’on est en compétition avec l’extérieur, c’est négatif. Dans des métiers où il faut être motivé, ça a démotivé les gens. Pour récupérer ça, c’est vraiment très, très difficile.

L’actualité vous intéresse vous êtes branché Internet?
Quand je vois le mal que peut faire Internet, je n’aime pas trop. Par contre, j’écoute la radio, je lis les journaux; le soir tard je regarde la télé, j’aime suivre tout ce qui se passe dans le monde, c’est fascinant et inquiétant. Comment contrôler le monde aujourd’hui? On ira de plus en plus, vers des problèmes difficiles à résoudre parce qu’on ne peut plus rien anticiper.

Vous êtes pour, ou contre le nucléaire?
Je ne peux pas être bêtement contre. Quand un avion tombe et qu’il y a 400 morts, on supprime l’aviation? Il faut être prudent. Il faut être réaliste, pragmatique ; s’il y avait d’autres possibilités, je serais d’accord pour arrêter le nucléaire à 100%, mais pour avoir suivi quelques missions sur les nouvelles énergies, je peux vous dire que ce n’est pas encore pour demain.

Le nucléaire vous intéresse?
Je suis passionné par ça. Si ma mission sur les biocarburants s’était limitée à traiter le problème franco-français, ça n’aurait pas été trop compliqué, mais il y a des biocarburants qui viennent de l‘étranger, des problèmes de douanes, de commission européenne, Bruxelles gère tout, et les écolos "gueulent" parce qu’on va affamer la planète. Il y a eu toutes les polémiques entendues à cause des émissions de CO2, alors que les véhicules qui polluent le plus, sont certaines petites voitures sans filtres à particules. Dans une mission comme ça on est en face de gens qui n’ont que des intérêts particuliers. C’est ingérable.

La France doit-elle s’impliquer pour tenter de résoudre les problèmes de certains pays?
J’ai vraiment un doute. Quand on voit les choses de manière brutale, on se dit: pourquoi aider lui, et pas lui? Est-ce à nous de gérer ça? Ça ne peut pas être un boumerang, par la suite? Peut-être que des gens décident ça en fonction de considérations qu’on ne connaît pas! Mais pour ça, moi, je suis de mentalité américaine; on se pose la question mais quand on prend la décision, on soutient le pays jusqu’au bout.

C’est pareil avec vos amis? Quand ils sont vos amis, vous ne les lâchez jamais?
Je ne lâche pas mes amis mais je suis assez dur, exigeant avec eux.

Vous avez incité l’un de vos fils à devenir pilote?
Au départ, je n’ai rien fait pour ça. Il a suivi une voie complètement différente: il a un master de sciences, d’économie, il a géré des fonds dans une banque; cette expérience autre, lui sert beaucoup mentalement. Quand il est revenu des Etats-Unis, il a recommencé à courir. Maintenant je le soutiens. Il vit très très bien aujourd’hui; s’il avait commencé plus tôt, je ne suis pas sûr que ça aurait été aussi facile.

Quelle voiture possédez-vous?
J’aime les voitures rapides, mais pas les voitures de sport. En ce moment, j’ai une Porsche Panamera. Là, je me suis un peu lâché; c’est la première fois, mais je ne roule pas comme un fou. Sur autoroute, il peut m’arriver de me lâcher, mais sans plus. Je fais attention en ville, sur les petites routes. En fait, j’aime bien conduire la nuit, je suis plus à l’aise, et surtout j’ai horreur des bouchons.

Quel est le plus beau cadeau que vous vous êtes offert dernièrement?
Les meilleurs cadeaux sont ceux qu’on fait aux autres. Moi, je me suis offert une montre: je suis collectionneur, mais je ne mets pas des sommes exorbitantes pour une montre. Je dépense beaucoup mais je ne suis pas dingue!

On est au "Murat", vous fréquentez les endroits à la mode?
J’aime bien le truc à la mode, et j’aime bien manger, mais je préfère un bouillon ou un potage avec de vrais légumes, plutôt qu’un plat en sauce… Il m’arrive de boire un bon verre de vin, rouge, mais pas tous les jours.

Quelles sont vos lectures, les films que vous aimez?
Je lis des biographies, des trucs qui m’amènent quelque chose, par rapport à l’histoire. Je vais au cinéma une ou deux fois par mois. J’aime plutôt les comédies.

Christian Rodat



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