SPORT365.FR, 16.10.2008

Alain Prost: « Impossible pour Lagardère »


Interview: Jean-Moise DUBOURG

Alors que la FFSA a annoncé mercredi qu'elle renonçait à organiser le Grand Prix de France 2009, Alain Prost nous a indiqué jeudi que le groupe Lagardère Sports ne serait pas le promoteur providentiel de l'épreuve française l'année prochaine.

Alain Prost, est-ce que la décision de la Fédération française du sport automobile (FFSA) de ne pas organiser le Grand Prix de France en 2009 vous surprend?
Non, non, elle n’est pas du tout surprenante. Je dirais même qu’elle est malheureusement logique. C’est une logique purement financière. C’est très simple: le plateau de F1 a un prix (19 millions de dollars) et ce prix augmente de 10% chaque année comme le prévoit le contrat avec Bernie Ecclestone. En face, les recettes sont de toute façon égales, voire un peu moindres, compte-tenu de la situation économique. Les réservations et ventes de billets se font beaucoup moins bien, moins vite, moins facilement. Donc le potentiel de hausse n’existe pas en termes de recettes. C’est plutôt à la baisse. Or le plateau a augmenté de 10%, c'est-à-dire à peu près 1,9 million de dollars. Ces dernières années, les responsables de la FFSA avaient eu beaucoup de chance en raison de la faiblesse du dollar par rapport à l’euro. Il était monté à 1,60. Là, il est redescendu à 1,35. Ça fait 25, 30% de différence et c’est absolument injouable économiquement. La Fédération ne peut pas se permettre de prendre des risques à ce niveau là.

Pensez-vous que le Grand Prix de France 2009 puisse encore avoir lieu?
On peut croire à un miracle. Je ne vois pas d’où cela peut arriver. En tout cas, ça ne viendra pas de nous, de Lagardère. Ce n’est pas possible. On ne peut pas gérer deux problèmes différents c'est-à-dire réfléchir et construire un circuit pour 2010 et gérer un problème sur l’année 2009. De toute façon, il faudrait dans ce dernier cas resigner un contrat avec Bernie Ecclestone pour un an, éventuellement pour deux ans, ça ne me paraît absolument pas jouable.

Est-ce aussi une mauvaise nouvelle dans le sens où ça pourrait - pourquoi pas? - mettre en péril les projets pour l’avenir du Grand Prix de France à compter de 2010, notamment votre projet à Disneyland avec Lagardère?
Ce n’est jamais une bonne nouvelle. Mais ça peut aussi servir d’électrochoc. Sur les projets du futur, je ne pense pas que cela soit un problème si ce n’est qu’il faut faire très attention de ne pas perdre deux ans. On peut se permettre de rater un an. Si on commence à parler de 2011, là je suis un peu moins confiant parce que pendant ce temps là, vous aurez Abu Dhabi, le projet de l’Inde qui va arriver, la Corée du Sud… Il y a la volonté d’avoir moins de Grands Prix en Europe mais plutôt des Grands Prix prestigieux avec une réelle envie d’être en France, notamment à Paris. Mais les choses évoluent - et vite - et économiquement, pour Bernie Ecclestone et les constructeurs de F1, c’est plus intéressant d’aller courir à Abu Dhabi, en Corée ou en Inde qu’en France parce que le prix du plateau sera toujours plus élevé. Ça met en péril un peu tout le système mais ça permet en même temps de mettre tout sur la table et d’être pragmatique. C’est de l’économie financière. Il faut faire au minimum 100 000 spectateurs pour être à peu près rentable. Donc il faut le faire dans un endroit qui puisse accueillir 100 000 personnes sans problème de transports, d’accès, de flux routiers ou d’hôtellerie. Autour de Paris, il n’y a pas beaucoup de possibilités.

Où en êtes-vous dans le cheminement de votre dossier qui vise à organiser le Grand Prix de France à Disneyland en 2010?
Six dossiers ont été présentés à la Fédération. Le seul qui est capable de voir le jour en 2010, c’est le projet Disney. C’est un projet qui est parti de loin. On est relativement prêt même s’il reste des problèmes à régler avec les élus ou avec les riverains, notamment en termes d’informations. Il reste aussi un problème administratif à régler par l’Etat. Sinon, tout ce qui est construction, business plan et promoteur est sur les rails. Il restera à signer le contrat final avec Bernie Ecclestone, ce qui n’est jamais facile. Tout cela devrait se gérer dans les trois semaines ou un mois qui viennent. Mais il faut absolument le faire! Si on ne fait pas ça, on repousse à 2011. Ce serait alors Bernie Ecclestone qui trancherait en tenant compte de tous les autres projets avancés - sur les cinq ou six dossiers, un ou deux peuvent d’ailleurs ressortir du lot sans problème - et c’est un autre débat. A mon avis, concentrons-nous bien sur 2010 pour être sûr d’avoir un bel événement en France.

Etes-vous confiant?
Oui, je suis confiant mais je reste très réaliste. On est dans un pays compliqué où la synergie n’est pas notre qualité première. C’est pour ça que cette annulation pour 2009 vient un peu comme un déclencheur et j’espère que ce sera plutôt bénéfique.



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